Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/100

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êtes sage, qu’il vous a bien servi ; et dès lors, loin de le payer d’un triste retour, vous lui ferez du bien. – Mais, direz-vous, je porte en mon cœur une blessure si légitime et si vive ! Eh bien ! alors pensez que vous ne lui faites aucun bien par le pardon, mais qu’au moins vous ajoutez à son supplice, tandis que tout le bienfait est pour vous : cette idée vous déterminera à lui faire du bien. – Quoi donc ! est-ce là le but que vous devez vous proposer par votre générosité ? Non certes. Mais si par hasard votre cœur ne peut se fléchir autrement, déterminez-le du moins par cette raison de votre propre intérêt, et bientôt vous arriverez à lui persuader aussi de déposer tout ressentiment ; dès lors vous ferez du bien à votre ennemi comme à un ami, et vous gagnerez les biens à venir. Puissions-nous tous en jouir par Jésus-Christ, etc.

HOMÉLIE XV.


AU RESTE, J’AI REÇU UNE GRANDE JOIE EN NOTRE-SEIGNEUR, DE CE QU’ENFIN VOUS AVEZ RENOUVELÉ LES SENTIMENTS QUE VOUS AVIEZ POUR MOI. (CHAP. 4,10 ET LE RESTE)

Analyse.

  • 1. Le mérite de l’aumône : pourquoi et comment saint Paul l’acceptait.
  • 2. Saint Paul savait vivre dans l’abondance comme dans la disette ; s’il souffrait qu’on lui donnât, c’est qu’il voulait associer les néophytes à ses travaux et à ses récompenses.
  • 3. Ce n’est pas que l’argent puisse acheter le ciel ; l’intention du donateur fait tout le mérite de la donation. Par suite, celle des Philippiens était précieuse devant Dieu.
  • 4. Paul, comme les mendiants, remercie celui qui donne, et leur souhaite toute sorte de biens, de sa part et de la part de ses frères dans l’apostolat et dans la souffrance. – Transition à l’exhortation sur les souffrances.
  • 5 et 6. Les souffrances sont nécessaires et inévitables, pour la formation du chrétien. – Exemples vivants de souffrances, à la cour même des empereurs de Constantinople ; exemples chez les rois juifs. – Les souffrances sont une pénitence utile, et la préparation au bonheur de l’autre vie.



1. Je l’ai souvent répété, l’aumône a été commandée dans l’intérêt non de ceux qui la reçoivent, mais de ceux qui la donnent. Ceux-ci en recueillent surtout le fruit. Paul nous enseigne clairement ici cette Vérité. Comment ? Rappelons-nous nous qu’après s’être fait longtemps attendre, les Philippiens lui avaient envoyé une aumône, et qu’Epaphrodite avait été chargé de la lui porter. Sur le point de renvoyer celui-ci avec cette épître, il les loue, comme vous voyez, et leur montre que leur bienfait a rejailli, sur eux-mêmes bien plus que sur ceux qui l’ont reçu. Il procède ainsi pour deux raisons : il craint d’abord que les bienfaiteurs ne s’enorgueillissent, et veut au contraire les rendre plus empressés à se montrer encore généreux, puisqu’ils sont au fond les obligés ; en second lieu il empêche que ceux qui reçoivent n’encourent le jugement de Dieu par un empressement exagéré, éhonté même à recevoir toujours ; en effet, il est dit ailleurs « qu’il est plus heureux de donner « que de recevoir ». (Act. 20,35)
Quelle est donc sa pensée en écrivant : « J’ai reçu une grande joie dans le Seigneur ? » Je me suis réjoui, dit-il, non d’une joie mondaine, non pas même d’une joie purement humaine, mais dans le Seigneur, à cause de vos progrès dans la vertu, et non pas pour le soulagement temporel que j’ai éprouvé. Oui, votre vertu fait ma consolation ; et il ajoute même ma consolation et ma « grande joie » ; ce bonheur, en effet, n’avait rien de matériel ; il n’était pas même inspiré par la reconnaissance pour un secours nécessaire, mais par l’idée de leur progrès dans le bien. Et remarquez encore après un doux reproche pour le passé, il s’empresse de voiler ce blâme, en les instruisant à l’exercice continuel et non interrompu de la charité. « Enfin une fois… », dit-il, pour rappeler un long intervalle de stérilité : « Vous avez refleuri », figure empruntée aux arbres qui bourgeonnent et puis sèchent pour pousser ensuite des fleurs nouvelles. Il leur fait donc entendre qu’après avoir donné la preuve d’une charité florissante et s’être ensuite desséchés, ils ont repris sève et vigueur. Ainsi l’expression ;