Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/482

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es du nombre des infâmes, semble-t-il dire ; tu n’es pas maître de parler à ton gré : tais-toi, ferme ta bouche : ce n’est pas à toi de prêcher, c’est la fonction des apôtres ; pourquoi usurpes-tu un ministère qui ne t’appartient pas ? Garde le silence ; tu es frappé d’infamie. Le Christ en usa de même : lorsque les démons lui disent : Nous savons qui vous, êtes (Mrc. 1, 24 ; Luc. 4, 34), il les reprend avec une grande véhémence pour nous apprendre à ne jamais croire le démon, lors même qu’il dirait la vérité. Ainsi donc, n’écoutons pas le démon, même quand il dit la vérité : fuyons-le, détournons le visage. C’est dans les divines Écritures, et non de la bouche des démons que nous nous instruirons avec exactitude des dogmes vrais et salutaires. Pour vous convaincre que l’âme séparée du corps ne tombe pas sous la tyrannie du démon, écoutez ce que dit saint Paul : Celui qui est mort est délivré du péché, c’est-à-dire, il ne pèche plus. Or, si le démon ne peut faire violence à l’âme lorsqu’elle habite le corps, il est évident qu’il ne le peut pas davantage lorsqu’elle en est sortie. Comment pèche-t-elle donc, dites-vous, si elle ne soufre pas violence ? Les âmes pèchent volontairement et librement, elles se livrent elles-mêmes ; elles ne sont ni contraintes ni tyrannisées. C’est ce que prouve l’exemple de tous ceux qui ont déjoué les machinations du diable : il eut beau tout bouleverser, il ne put persuader à Job de proférer un seul mot de blasphème.
Il est donc évident que nous sommes maîtres d’ajouter foi ou non aux suggestions du démon, et que nous ne subissons de sa part ni contrainte ni tyrannie. non seulement ce que nous venons de dire, mais aussi la parabole que nous expliquons montre clairement que les âmes séparées du corps ne séjournent pas ici-bas, mais qu’elles sont emmenées immédiatement. Et comment ? Écoutez l’Évangéliste : Or il arriva que Lazare mourût et fut emporté par les anges. (Luc. 16, 12) Là-bas sont entraînées et les âmes des justes et les âmes des pécheurs : la preuve en est fournie par cet autre riche dont les champs avaient produit d’abondantes récoltes : Que ferai-je  ? dit-il en lui-même. J’abattrai mes greniers et j’en construirai de plus grands. (Luc. 18, 12) Quelle funeste résolution I Oui vraiment, il a abattu ses greniers ; car les greniers, à l’abri de tout pillage, ce ne sont pas des murailles, ce sont les entrailles des pauvres ! Et lui, sans songer à ces derniers, s’occupait de murailles ! Aussi, Dieu lui dit-il : Insensé, cette nuit même on va te redemander ton âme ! Là, on dit que l’âme est emmenée par les anges ; ici, on la redemande. Les anges emmènent le riche comme un prisonnier, ils escortent Lazare comme un vainqueur. L’athlète, que l’on voit dans l’arène, couvert de blessures et arrosé de sang, n’a pas plus tôt reçu la couronne sur le front que les spectateurs l’accueillent de mille louanges, le conduisent en sa demeure au milieu des applaudissements, des félicitations, de toutes les marques de l’admiration. C’est ainsi que les anges emmenèrent alors Lazare, pendant chie des puissances redoutables, envoyées sans doute exprès, redemandaient l’âme du riche. L’âme en effet ne s’achemine pas d’elle-même et spontanément vers l’autre vie ; cela ne lui serait pas possible. Si, pour passer d’une ville à l’autre, nous avons besoin d’un guide, à plus forte raison, l’âme séparée du corps, et forcée d’émigrer vers la vie future, aura-t-elle besoin qu’on lui ménage des conducteurs. C’est pourquoi il arrive souvent, à l’heure du trépas, que tantôt elle semble surnager et tantôt couler à fond : elle a peur, elle frémit, lorsqu’elle est sur le point de quitter son corps et de partir. La conscience de nos fautes, il est vrai, nous aiguillonne sans cesse par le remords ; mais elle le fait surtout à cette heure où nous devons être emmenés d’ici-bas vers ce juge et ce tribunal redoutables. Alors, si l’on a volé, si l’on a trompé, si l’on a diffamé, si l’on s’est fait sans motif l’ennemi de quelqu’un, ou si l’on a commis quelqu’autre mauvaise action, la foule entière des péchés se rassemble, se place devant les yeux et à cette vue, l’âme sent comme la pointe acérée d’un aiguillon qui la déchire. Les prisonniers sont constamment livrés à la honte et à la douleur, mais c’est surtout le jour qu’ils doivent sortir et être traînés à la barre de leur juge, c’est lorsque, debout devant les grilles du tribunal, ils entendent venir de l’intérieur la voix qui les condamne, c’est alors qu’ils sont glacés de terreur et qu’ils ne valent guère mieux que s’ils étaient morts. Ainsi en est-il de l’âme : elle sent, il est vrai, une vive douleur et une poignante anxiété au moment où elle pèche ; mais c’est bien autre chose, lorsque, arrachée du corps, elle est sur le point de partir de ce monde.
3. Vous vous taisez, en entendant ces vérités !