Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/493

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péchés s’accumulent comme un poids immense, et si d’autre part nous vivons dans une joie prospère et dans l’exemption de toute peine, nous partirons certainement de ce monde tout nus et dépouillés de tout droit à une rémunération, comme des gens qui ont reçu leur salaire entier : pareillement, si d’une part nous accomplissons en grand nombre les belles et louables actions tandis que nos fautes sont peu considérables et peu graves, et si d’autre part nous supportons quelques rudes épreuves, il nous arrivera que, après avoir déposé ici-bas la charge de nos péchés, nous n’aurons qu’à recevoir au ciel la récompense pleine et parfaite de nos vertus. Voici un homme qui mène mauvaise vie et qui néanmoins est à l’abri des peines et des maux : ne le regardez pas comme heureux ; plaignez plutôt et déplorez son sort, puisqu’il souffrira plus loin toutes sortes de douleurs, comme le riche de la parabole. Voilà au contraire un homme sincèrement vertueux, mais affligé de mille et mille chagrins ; appelez-le bienheureux, enviez sa destinée : ici, il expie ses péchés et s’en débarrasse ; là-haut, il a toute préparée la solde entière de sa patience, comme Lazare.
5. Parmi les hommes, les uns ne sont punis qu’en ce monde ; d’autres n’ont rien à souffrir ici-bas, mais ils' supportent plus tard tout le poids de la vengeance ; d’autres, enfin, sont punis et dans ce monde et dans l’autre. À laquelle de ces trois catégories attribuerez-vous le bonheur ? À la première d’abord ; je ne doute pas que vous ne considériez comme favorisés ceux qui peuvent se décharger de leurs péchés en recevant leur châtiment ici-bas. Et ensuite, qui rangerez-vous après ceux-là ? Peut-être ceux qui, n’ayant rien à souffrir sur la terre, doivent subir toute leur peine dans l’autre vie ? Eh bien, non ! je donne la préférence à ceux qui sont punis et en ce monde et dans l’autre. Celui qui commence son expiation ici, trouvera là-bas une peine adoucie ; celui au contraire qui sera obligé de tout payer à la fois dans l’éternité, subira les effets d’une vengeance sans pitié. Voyez le riche qui n’a expié sur la terre aucun de ses crimes ! il est frappé avec une telle sévérité qu’il ne peut obtenir même une petite goutte d’eau. Mais ceux qui, péchant ici-bas, n’ont cependant rien de grave à souffrir sont encore, à mon avis, moins à plaindre que ceux qui, non seulement ne sont pas punis sur la terre, mais y trouvent encore les jouissances et la prospérité. En effet, si l’impunité des fautes commises ici-bas rend plus cruel le châtiment dans la vie future, à plus forte raison ceux qui tout à la fois commettent le péché et se livrent à la volupté, aux délices, à l’opulence, se préparent à eux-mêmes la matière et l’aliment d’une punition et d’une vengeance la plus terrible. Les honneurs dont Dieu nous comble tant que nous restons dans le péché, ne servent qu’à nous jeter dans des flammes plus dévorantes.
Si quelqu’un jouit des bienfaits de Dieu sans les employer à ce qu’il doit, celui-là se prépare un supplice affreux ; et, si quelqu’un reçoit de Dieu non-seulement des marques de bienveillance, mais encore des honneurs et n’en persiste pas moins dans son péché, qui pourrait arracher celui-là aux tourments qui lui sont réservés ? Pour comprendre que ceux qui profitent de la bonté divine sans se convertir amassent pour leur avenir mille sortes de maux, écoutez ce que dit saint Paul : Croyez-vous, ô homme qui condamnez ceux qui commettent telles et telles actions, et qui les commettez vous-même, croyez-vous échapper au jugement de Dieu ? Est-ce que vous méprisez les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa tolérance ? Est-ce que vous ignorez que cette bonté même n’est pour vous qu’une invitation à la pénitence ? Par votre dureté, par votre obstination, vous vous amassez un trésor de colère pour le jour de la vengeance, de la révélation, et du juste jugement de Dieu. (Rom. 11, 3) Voyons-nous des hommes s’enrichir, vivre dans les délices, passer leurs journées dans l’ivresse, exhaler l’odeur des parfums, obtenir le pouvoir et les honneurs, se passer toutes les fantaisies du luxe, et les voyons-nous en même temps commettre le péché sans en recevoir aucune peine ; alors pleurons et gémissons sur leur sort précisément parce qu’ils ne sont pas châtiés de leurs fautes. Qu’un homme malade d’une hydropisie ou d’une affection splénique, rongé par un ulcère et couvert de plaies hideuses ne cesse pas avec tout cela de se livrer à la gourmandise et à la débauche de telle sorte qu’il ne fasse qu’aggraver son mal, admirerez-vous son existence, l’estimerez-vous heureux à cause des jouissances qu’il se donne ? Non ! vous le jugerez misérable précisément à cause de cela. Ayez les mêmes idées sur l’âme. Si un homme mène une vie criminelle, mais prospère et exempte