Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/494

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de toute affliction, déplorez son sort d’autant plus que, atteint de la plus dangereuse maladie, il travaille lui-même à empirer son état, à aggraver son mal par une conduite licencieuse et dissolue. Le mal n’est pas d’être puni, mais de pécher. Le péché nous sépare de Dieu ; la punition nous rallie à lui en apaisant sa justice irritée. Comment prouver cela ? Écoutez le Prophète : O Prêtres, consolez mon peuple, consolez-le ; parlez au cœur de Jérusalem, car elle a reçu de la main du Seigneur double punition pour ses fautes. (Isa. 40, 1-2) Et encore : Seigneur, donnez-nous la paix car vous nous avez tout payé. (Id. 26, 12)
Pour connaître avec certitude que les uns reçoivent leur châtiment ici-bas, d’autres dans l’éternité, et d’autres enfin partie en ce monde et partie dans l’autre, entendez les reproches que saint Paul adresse à ceux qui participaient indignement aux mystères : Après avoir dit : Celui qui mange et boit indignement le corps et le sang du Seigneur, celui-là se rend responsable du corps et du sang de Jésus-Christ (1Co. 11, 27), il ajoute : il y a parmi vous beaucoup de gens infirmes et languissants, beaucoup d’endormis. Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés plus tard. Et, dans cette vie, quand nous sommes jugés et châtiés par le Seigneur, c’est afin que, dans l’autre vie, nous ne soyons pas condamnés avec le monde. (Id) Comprenez-vous que la peine qui nous frappe en cette vie nous met à l’abri de celle qui nous frapperait dans l’autre vie ? Et que dit encore saint Paul parlant du Corinthien fornicateur : Livrez cet homme à Satan pour la perte de sa chair, mais aussi pour le salut de son âme au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (1Co. 5, 5) La même vérité ressort clairement de l’exemple de Lazare ; s’il commit quelque faute en ce monde, il s’y purifia et partit sans tache pour l’éternité. Elle apparaît encore dans le fait de ce paralytique qui, après avoir passé trente années dans l’infirmité, fut déchargé par sa longue maladie du fardeau de ses péchés ; en effet, nous apprenons qu’il avait été affligé en raison de ses fautes, lorsque nous entendons le Christ lui dire : Te voilà guéri ! ne pèche plus dorénavant, de peur qu’il ne t’arrive pire que ce que tu as eu (Jn. 5, 14) De tout cela nous devons conclure que certaines personnes expient et effacent leurs péchés par la punition qu’elles subissent ici-bas.
6. Mais est-il vrai que d’autres sont punies ici et là-bas, sans que la punition qu’elles reçoivent sur la terre équivale à l’énormité de leurs crimes ? Oui ; vous n’avez qu’à écouter ce que le Christ dit des Sodomites. Après ces mots : Si quelque cité refuse de vous recevoir, secouez contre elle la poussière de vos pieds ; il ajoute : il y aura plus d’indulgence pour le pays de Sodome et de Gomorrhe que pour celui-là. (Luc. 9, 5) Cette expression plus d’indulgence signifie que les habitants de Sodome et de Gomorrhe, après avoir essuyé un châtiment en cette vie, en recevront dans la vie future un autre encore mais d’une rigueur tempérée. D’autres, n’ayant rien de fâcheux à souffrir ici-bas, doivent attendre toute leur punition dans l’éternité ; c’est ce que prouve l’exemple du riche qui est en proie à d’horribles tourments et qui ne peut obtenir le moindre adoucissement, parce que sa punition tout entière avait été tenue en réserve. De même que les pécheurs qui ne souffrent rien en ce monde sont frappés plus rigoureusement dans l’autre, de même parmi les justes ceux-là seront un jour comblés d’honneurs plus grands, qui auront vécu ici-bas au milieu de maux plus nombreux. De même aussi que de deux pécheurs, si l’un est puni en ce monde tandis que l’autre ne l’est pas, le premier sera plus heureux que le second ; de même entre deux justes, si l’un reçoit en ce monde plus d’afflictions et l’autre moins, le plus heureux sera celui qui aura le plus souffert, lorsque le Seigneur rendra justice à chacun selon ses œuvres.
Mais quoi, me direz-vous, il n’y a donc personne qui puisse jouir du repos ici-bas et là-bas ? – Voilà, mon cher, une impossibilité, une absurdité ! Il n’est pas possible, je le répète, pas possible, qu’un homme, après avoir vécu dans une tranquille oisiveté, après avoir consacré tous ses jours à prendre ses aises, après avoir passé toute son existence dans l’insouciance et dans la paresse, obtienne encore les honneurs de l’autre vie. Si la pauvreté ne l’obsédait pas, les passions le tourmentaient et le persécutaient ; il devait les combattre et les vaincre, et il y avait là de quoi l’exercer. Si la maladie ne le fatiguait pas, la colère dévorait son cœur ; et ce n’est pas une médiocre peine due d’en éteindre le feu. Si les afflictions ne l’assiégeaient pas, les pensées mauvaises l’assiégeaient continuellement ; et ce n’est pas une œuvre vulgaire que de mettre un frein