ne pas lui en faire, mais encore le protéger de ton silence, et non seulement le protéger de ton silence, mais encore te faire son complice, que pensera-t-il de lui-même ? de son péché ? La plupart du temps, la plupart des hommes ne s’inspirent pas seulement de leur propre pensée pour décider ce qu’ils doivent faire, mais ils se laissent corrompre par les préférences des autres hommes. Si le pécheur voit tous les hommes se détourner de lui, il pensera qu’il a commis une très-mauvaise action. Niais s’il voit que loin de nous indigner et de lui témoigner notre mécontentement, nous nous montrons doux et bien disposés pour lui, le tribunal de sa conscience achèvera de le corrompre, puisque sa propre corruption trouvera un stimulant de plus dans l’approbation du plus grand nombre, et alors que n’osera-t-il pas ? Quand se condamnera-t-il lui-même et cessera-t-il de pécher sans scrupule ? Aussi ou doit quand on fait mal se condamner soi-même, car c’est le moyen de rompre avec le mal, et, quand on ne fait pas ce qui est bien, on doit louer ce qui est bien, car le zèle est un acheminement à l’action. Dans le cas présent, comme celui dont nous parlons approuve ce qui se fait, il est naturel que le Prophète le flétrisse de toutes ses forces. Car si le vice, tout omis qu’il est, est si puissant, et si la vertu, malgré les éloges dont on l’honore, décide si peu de personnes à endurer les fatigues qu’elle leur offre, qu’arrivera-t-il si cet état de choses vient à changer ? Et cependant voilà ce qu’on peut voir souvent dans le corps des prêtres. Or si cela est mal chez le disciple, combien plus chez le maître !
8. O homme, que fais-tu ? La loi a été violée, la chasteté méprisée, et tous ces crimes sont le fait de quelqu’un de ceux qui occupent les fonctions sacerdotales, en un mot c’est un véritable chaos, et tu ne frémis pas ? Le Prophète s’adresse même aux éléments insensibles pour qu’ils déplorent avec lui la corruption générale : « Le Ciel a été dans la stupeur », dit-il, « et la terre a frissonné d’horreur. » (Jer. 2,12) Et ailleurs il est dit : « On verra le Carmel s’attrister, le vin s’attrister, et s’attrister la vigne. » (Is. 24,7) Ce qui est sans vie s’afflige, gémit et, s’indigne avec le souverain Maître, et toi, l’être doué de raison, tu n’éprouves aucune douleur ? Bien loin d’éclater eu reproches, de te constituer le vengeur terrible des lois de Dieu, tu partages le crime ! Et quel espoir de pardon peux-tu avoir ? – Dieu a-t-il donc besoin qu’on lui prête main-forte ? Lui faut-il des aides ? – Non, mais il veut faire de toi l’exécuteur de sa justice, afin que tu ne tombes point dans la même faute, que tu deviennes meilleur en t’indignant contre les vices d’autrui, et que ce soit pour toi une occasion de lui témoigner ton amour. Quand tu passes à côté de celui qui fait mal sans le blâmer, sans montrer ton chagrin, tu diminues la vigueur de ton âme, tu l’exposes à tomber, et spécialement à tomber dans les mêmes fautes que tu ne songes pas à reprendre. Et par ton indulgence déplacée, tu ne nuis pas peu à cet homme en chargeant le compte qu’il aura à rendre un jour, et en l’affaiblissant pour les luttes de cette vie. Ces paroles n’ont pas trait seulement au vol, mais encore à toute sorte de péchés : le Prophète a cité d’abord ce péché le moindre de tous, pour que vous sachiez que si celui qui le commet n’obtient pas son pardon, il sera bien plus difficile de l’obtenir pour tout autre péché. Écoutez donc ce qu’il dit aussitôt après : « Et tu partageais l’adultère avec le séducteur », passant à un péché plus grand encore, car le vol est de beaucoup moins grave que l’adultère. L’examen et la comparaison de ces péchés a suggéré la réflexion suivante : « Il n’est pas étonnant qu’un homme ait été pris à voler, car il vole pour rassasier son âme qui a faim. » (Prov. 6,20) Si donc ce péché est indigne de pardon, l’adultère le sera bien plus encore. Ici le Prophète, par l’adultère, entend la fornication. Si donc vous voyez l’un de ceux qui sont réunis avec vous se livrer à la fornication, et s’approcher des sacrements, dites à celui qui les administre : Un tel est indigne des sacrements, arrête ses mains profanes. Car s’il n’est pas même digne de publier les décrets de Dieu, songe jusqu’où ira la vengeance de Dieu sur lui ; lorsqu’il aura touché la sainte table, et non seulement sur lui, mais encore sur celui qui l’a protégé de son silence. Car le Prophète n’a pas dit : Et tu commettais l’adultère, mais, « tu partageais l’adultère avec le séducteur. » Hélas ! quel péché c’est donc que de cacher la pourriture des autres, puisqu’on nous dit qu’en agissant ainsi nous mériterons de partager la veine réservée au péché lui-même et cela tout autant que celui qui l’a commis. Lui peut du moins alléguer l’emportement de la passion, quoique ce soit une
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