Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

excuse sans valeur, comme le voleur peut alléguer la faim ; mais toi tu n’as pas même cette ressource. Pourquoi donc, si tu ne retires du péché aucun avantage, prendre la part du châtiment ? C’est ainsi que les juges punissent non seulement ceux qui ont osé commettre l’adultère, mais aussi les serviteurs qu’ils savent avoir eu connaissance du fait, et volontiers leurs maîtres, en les livrant à la justice, boiraient leur sang et mangeraient de leur chair, car ils les rendent responsables de l’accomplissement de l’adultère, tout autant que la femme infidèle. En n’écartant pas les voiles qui cachaient le couple adultère, ils lui ont rendu le crime plus facile : ils se sont mal conduits à l’égard de la femme coupable et du mari déshonoré, à l’égard du séducteur lui-même. S’ils avaient dénoncé, dévoilé ce qui se passait, ils auraient prévenu toute tentative de ce genre. De même que celui-là surtout attire le gibier dans les filets qui, tranquillement assis à côté, les cache à ceux qui vont s’y faire prendre, emploie tous les moyens pour qu’ils ne s’aperçoivent pas de la ruse, et ne fait aucun bruit ni rien qui puisse faire fuir sa proie : de même, si vous restez tranquillement assis à côté des filets tendus par le diable, et que, sachant que l’adultère va tomber, vous ne cherchiez pas à lui faire peur par vos cris, c’est vous surtout qui serez l’auteur de sa perte.
Ne me répondez point par ces paroles qui ne respirent que l’égoïsme et l’apathie : qu’est-ce que cela me fait ? Je ne me soucie que de ce qui me regarde. Mais c’est précisément vous occuper de vos intérêts que de vous occuper de ceux de votre prochain. Ce qui faisait dire à saint Paul : « Que personne ne cherche sa propre satisfaction, mais le bien des autres. » (1Cor. 10,21) Si tu veux trouver ton propre bien, dit-il, cherche celui des autres. « Ta bouche était pleine de malice, et ta langue tramait des fourberies. Tranquillement assis, tu parlais contre ton frère : tu couvrais d’opprobre le fils de la mère. » N’allez pas dire : ce que j’en fais, c’est par pure affection. Par pure affection, quand vous ne voulez ni arrêter, ni retenir celui qui va tomber dans l’abîme ? quand vous vous montrez indulgent pour des plaisirs défendus ? quand vous voyez d’un œil indifférent le malheureux qui boit le poison ? Non, non, vous ne sauriez dire cela. Car ce qui proue que ce n’est pas là de l’affection, mais de l’apathie, de la négligence et du manque de cœur…… comment se fait-il que, laissant là celui qui vous a fait du tort, vous médisiez de votre frère qui ne vous en a fiait aucun ? Comment se tait-il que vous ayez de mauvais desseins contre celui qui ne vous a fait aucun tort et qui ne vous a manqué en rien ? Voyez jusqu’où, de chaque côté, peut aller le vice celui qu’enivre la passion, vous ne cherchez pas à le réveiller de son ivresse pour lui rendre son bon sens, et celui qui ne vous a fait aucun tort, vous le frappez. « Car, tranquillement assis, tu parlais contre ton frère : tu couvrais d’opprobre le fils de ta mère. »
9. Voyez comme ce reproche devient plus accablant à mesure qu’on l’examine. Celui qui a causé les mêmes douleurs à la mère qui vous a enfanté, dit le Prophète, celui qui a été porté dans le même sein que vous, celui qui s’est assis à la même table et qui a vécu dans la même maison, celui qui est une des tiges du même tronc qui vous a porté, celui qui a grandi avec vous, vous en faites l’objet de vos médisances. Puis, non-content de cela, vous formez de mauvais desseins et vous les exécutez, car tel est le sens de ces paroles « tu le couvrais d’opprobre. » Si vous ne devez pas médire de celui qui est votre frère selon la nature, combien plus ne devez-vous pas médire de votre frère en Jésus-Christ ? Ne laissez donc pas tomber dans le péché celui qui va le commettre, et ne calomniez ni n’injuriez celui qui ne vous a fait aucun tort : d’un côté, ce serait pécher par envie, de l’autre, par apathie : oui, c’est de l’apathie que de ne pas retenir celui qui va tomber, c’est de l’envie que de chercher à faire tomber celui qui se tient droit. Et voyez comme le Prophète ne se contente pas de faire simplement allusion à celui qui dit du mal des autres, mais bien à celui qui n’agit ainsi que par ruse et par animosité « Tranquillement assis, dit-il, tu parlais contre a ton frère. » Caïn du moins, quand il tua son fière, ne priva qu’un seul homme de la vie d’ici-bas, mais ceux-là, avec leurs médisances, en perdent des milliers, et eux-mêmes tout d’abord. Car ils ne nuisent pas seulement à celui dont ils médisent, mais à d’autres encore, ou plutôt ils ne nuisent qu’à ceux qui les écoutent. En effet, celui qui est l’objet de médisances quai ne reposent que sur le mensonge, non seulement n’éprouve aucun tort, mais encore a droit aux plus grandes récompenses.