Il ne parle pas ici d’une seule personne, mais de deux personnes dont l’une adresse la parole à l’autre. Quelle est, d’après eux, celle qui a pris la parole ? C’est Dieu. Et celle qui écoute ? C’est Abraham. D’autres disent due c’est Zorobabel, et d’autres encore indiquent une autre personne. Ils sont comme des gens ivres qui parlent sans pouvoir s’entendre, ou plutôt comme des gens qui marchent dans les ténèbres, et qui se heurtent les uns les autres. Comment donc, dites-moi, Zorobabel serait-il le seigneur David ? Et comment pourrait-on raisonnablement expliquer qu’il ait tenu à grand honneur d’être appelé David ? La suite prouve jusqu’à l’évidence, qu’il ne s’agit nullement ici ni de Zorobabel, ni de David ; ni l’un ni l’autre n’ont eu les honneurs du sacerdoce. Or il est ici question d’un personnage qui exerce un sacerdoce nouveau et merveilleux. « Vous êtes le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech (4). » Cependant développons le point que nous avons à traiter maintenant. Ils avancent d’autres raisons encore plus faibles que celles-là, ils disent que ces paroles s’adressent au peuple Juif. Mais ce peuple n’a pas été prêtre, et ce qui suit ne peut pas davantage se rapporter à lui. Ainsi donc laissons cet argument de côté, il est sans valeur et ne mérite pas les honneurs d’un siège en règle, et produisons une autre de leurs objections. Que disent-ils encore ? Que c’est l’esclave d’Abraham qui parle ainsi de son Seigneur. Mais en vérité quoi de plus absurde ? Que vient faire ici l’esclave d’Abraham ? Comment son Seigneur aurait-il été prêtre, lui gui avait recours à Melchisédech, comme au prêtre de Dieu, et qui lui demandait sa bénédiction ? Comment expliquer raisonnablement que les paroles qui suivent ont trait à Abraham, « Je vous ai engendré de mon sein avant l’aurore ? » Et comment les rapporter soit à David, soit à Zorobabel, soit au peuple Juif ? Ces paroles ne conviennent qu’à un être d’une nature supérieure. Et cette expression, « asseyez-vous « à ma droite », comment s’explique-t-elle si elle s’adresse aux personnages qu’on vient de supposer ? Elle ne s’explique pas. Comment Dieu irait-il dire à Abraham : « Asseyez-vous à ma droite », quand ce même Abraham se regarde comme très-honoré de pouvoir se tenir debout à côté des anges. Mais enfin nos adversaires doivent avoir quelque objection spécieuse à nous faire, quelle est-elle donc ? La voici : Eh quoi ! disent-ils, vous faites intervenir un autre Seigneur, quand l’Écriture a déclaré ouvertement que « le Seigneur votre Dieu est le seul Seigneur, et que vous n’adorez que lui, et que, hors de lui il n’y a pas de Dieu ? » (Deut. 6,4, 43 ; et 4, 35) A qui donc s’adressent ces paroles, dites-moi ? À qui si ce n’est surtout à votre intelligence, ô Juif ? Pourquoi n’a-t-on rien dit de pareil ni à Abraham, ni à Isaac, ni à. ni à Moïse, mais à vous seul, et cela quand, après la sortie d’Égypte, vous adoriez le veau d’or ? Pourquoi donc, dites-le-moi ?
Peut-être êtes-vous embarrassé sur ce que vous avez à dire : eh bien ! moi je vais répondre pour vous. Comme, après votre sortie d’Égypte, vous aviez fait un veau d’or, et que vous l’aviez adoré, que vous vous étiez fait initier au culte de Belphégor (Nb. 25), que la multitude des dieux des païens vous en imposait, et que vous adoptiez cette foule de dieux, quoique cela fût contraire à la loi ; c’est pour arrêter les progrès de votre maladie, et pour arrêter aussi cette invasion des faux dieux que le Prophète ajouta ce mot « un seul », et non pour nier l’existence du Fils unique. Pourquoi en effet est-il dit au commencement de l’Écriture : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ? » (Gen. 1, 26) Et une autre fois : « Venez, descendons et mettons le désordre dans leur langage. » (Gen. 2,7) Et David dit aussi : « C’est pourquoi Dieu, votre Dieu, a sacré d’une onction de joie, qui vous élève au-dessus de ceux qui doivent la partager. » (Ps. 44,8) Si Moïse se sert de ces expressions, « Le Seigneur votre Dieu est le seul Seigneur », c’est à cause de votre faiblesse d’esprit. Et pourquoi vous étonnez-vous que cela ait eu lieu pour le dogme, puisque Dieu, quand il s’est agi de la morale s’est départi de la règle parfaite pour une moins parfaite, afin de condescendre à notre faiblesse ? Ainsi, il a permis le divorce, quoiqu’il eût dans l’origine porté une loi tout autre. Il a établi beaucoup de distinctions pour les animaux, quoique au commencement il eût pris une décision contraire, puisqu’il disait : « Je vous ai donné toutes choses comme les légumes d’un jardin. » (Gen. 9,3) Il a aussi porté plusieurs lois concernant le lieu où il voulait être adoré et n’a pas permis qu’on lui offrit partout ses prières, et cependant il n’avait pris dans le principe aucune mesure à ce
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