la vertu avec délices, et non par crainte de l’enfer ni des châtiments qui menacent le vice, non dans l’espérance du royaume promis, mais pour l’amour du législateur. Il en est de même ailleurs encore. Le Psalmiste dit, pour exprimer la joie que lui causent les préceptes divins : « Que vos paroles sont douces à mon gosier ! elles sont au-dessus du miel pour ma bouche. » (Ps. 118,103) Paul demande la même chose sous cette forme énigmatique : « Comme vous avez fait servir vos membres à l’impureté et à l’iniquité pour l’iniquité, ainsi maintenant faites servir vos membres à la justice pour votre sanctification. » (Rom. 6,19)
C’est-à-dire mettez à rechercher la vertu tout l’empressement, toute l’ardeur que vous avez déployée dans la poursuite du vice, laquelle ne vous promettait pourtant, au lieu de couronnes, que des châtiments et des supplices. Néanmoins il prétend encore garder dans sa demande une juste mesure. Car il a soin de dire préalablement : « Je parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair », faisant voir par là qu’il ne faut pas manifester moins de passion pour la vertu qu’on n’en manifeste généralement pour le vice ; c’est comme s’il disait : quelle pourrait être l’excuse de ceux qui ne montreraient pas une vertu égale à leur iniquité passée, qui n’auraient pas même pour la vertu l’empressement qu’ils ont eu pour le vice ? Voilà pourquoi notre prophète a dit : « Qui a une grande affection pour ses commandements. » En effet l’homme qui craint Dieu comme il faut, accueillir ses ordres avec beaucoup d’empressement. L’amour qu’il a pour le maître lui fait aimer la loi, quelque rigoureuse qu’elle puisse paraître. Et que personne ne me fasse un crime d’employer ici cet exemple de l’amour. Paul lui-même s’en est servi en disant : « Comme vous avez fait servir vos membres à l’impureté, ainsi faites-les servir à la justice. » L’homme épris d’une courtisane, même insulté, injurié, battu, déshonoré, même chassé de sa patrie, exclu de l’héritage paternel et du cœur de son père, même en butte à des épreuves encore plus redoutables, endure tout avec délices par un effet de son amour déréglé.
Eh bien ! si l’on trouve du plaisir dans de telles humiliations, comment ne recevrait-on pas avec délices les ordres de Dieu, ces ordres salutaires et glorieux, qui nous inspirent la sagesse et améliorent notre âme ? Comment y trouverait-on quelque chose de rigoureux ? Ce qui fait cette apparente rigueur, ce n’est point la nature même des préceptes, mais bien la tiédeur du vulgaire. Qu’on les reçoive au contraire avec ferveur, on les trouvera commodes et légers. Aussi le Christ disait-il : « Mon joug est aimable, et mon fardeau est léger. » (Mt. 11,30) Et vous allez vous convaincre qu’en effet il en est comme je dis, que c’est la tiédeur du vulgaire qui lui rend pénibles des choses aisées, tandis que la ferveur facilite les plus pénibles. Quand les Juifs avaient la manne pour nourriture, ils se plaignaient, ils souhaitaient la mort : Paul au contraire, en proie à la faim, se réjouissait et tressaillait d’allégresse. Les Juifs disaient : « Notre vie est languissante à cause de la manne. » (Nb. 11,6) « Nous avez-vous fait sortir pour nous tuer parce qu’il n’y avait pas de sépulcres en Égypte ? » (Ex. 14,11) Mais voici comment parlait Paul : « Je me réjouis dans mes souffrances, et accomplis dans ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ. » Dans quelles souffrances ? La faim, la soif, la nudité et toutes les misères. « Qui a une grande affection pour ses commandements. » Comment cela peut-il se faire ? Par une crainte parfaite et un parfait amour de Dieu ; par une considération attentive de ce qu’est la vertu : avant d’être couronnée, elle trouve en elle-même sa récompense. Quand vous fuyez l’adultère, l’homicide, songez quel bonheur ce sera pour vous de n’être point condamné par votre conscience, de n’avoir point à rougir devant les autres, de pouvoir jeter sur tout le monde des regards assurés. Il n’en est pas ainsi de l’adultère : tout le fait frémir et trembler, il redoute jusqu’aux ombres.
2. L’avare, l’envieux, subiront un châtiment pareil. Ce sera tout le contraire pour celui qui sera demeuré exempt de ces vices. « Sa postérité sera puissante sur la terre (2). » Par ce mot de postérité l’Écriture désigne souvent non la succession par voie de génération, mais une transmission de vertu. – Aussi Paul expliquant la parole « je te donnerai cette terre à toi et à ta postérité », disait-il « tous ceux qui sont issus d’Israël ne sont pas Israël, et ceux qui appartiennent à la race d’Abraham ne sont pas tous ses enfants : mais c’est en Isaac que sera ta postérité. » (Rom. 9,6-7) Ailleurs il dit : « Dans ta race seront bénies toutes les
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