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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/33

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sources, ainsi mon âme aspire après vous, mon Dieu », il ajoute : « Mon âme a eu soif du Dieu fort, du Dieu vivant ; quand irai-je devant Dieu, quand sa face me verra-t-elle ? » (Ps. 41,3) Il n’a pas dit : mon âme a aimé le Dieu vivant, ni mon âme a chéri le Dieu vivant ; niais, pour dépeindre sa disposition, il a appelé sa tendresse une soif, nous montrant ainsi à la fois l’ardeur de son amour et la continuité de sa flamme. Car de même que les gens disposés à l’altération n’éprouvent pas la soif un jour seulement, ni seulement deux ou trois, mais pendant toute leur vie, parce que c’est leur nature qui les y porte, de même le bienheureux roi et tous les saints n’ont pas été dans la componction un jour seulement, comme tant d’hommes, ni seulement deux ou trois (car il n’y a là rien d’admirable), mais ils étaient continuellement et chaque jour dans un état de pieux amour, et ils faisaient croître en eux cette charité. C’est ce qu’il nous fait voir, lorsqu’il dit : « Mon âme a eu soif du Dieu fort, du Dieu vivant », indiquant à la fois le motif de son amour, et voulant pour votre profit montrer comment on arrive à aimer Dieu ainsi. C’est bien, en effet, nous apprendre tout cela que de nous dire d’abord : « Mon âme a eu soif de Dieu », et d’ajouter ensuite : « Du Dieu vivant ; » c’est presque comme s’il conseillait, comme s’il criait à tous ceux qui soupirent après les choses d’ici-bas Pourquoi cette passion insensée pour des corps ? Pourquoi ce désir de gloire ? Pourquoi cette recherche de la sensualité ? Rien de tout cela ne demeure ni ne vit perpétuellement, toutes ces choses s’envolent et passent plus vaines que l’ombre, plus trompeuses que les songes, plus fugaces que les fleurs printanières ; les unes nous abandonnent au sortir de la vie présente, les autres périssent avant même notre existence ici-bas. Leur possession est infidèle, leur jouissance incertaine, leurs changements rapides ; en Dieu, au contraire, rien de tel, il vit et dure éternellement sans éprouver ni changement ni vicissitudes Laissons donc là les objets passagers, éphémères, et aimons l’Être éternel et toujours vivant. Quand on l’aime, on ne saurait être confondu, on ne saurait échouer, ni se voir privé de celui que l’on aime. Celui qui aime les richesses est dépouillé de ce qu’il affectionnait lorsque survient la mort, ou même avant qu’elle arrive ; l’homme épris de la gloire de ce monde éprouve le même sort ; souvent aussi la beauté corporelle s’éclipse bien plus vite encore que tout cela ; en un mot, tout absolument dans la vie actuelle, étant périssable et éphémère, s’évanouit bientôt, avant même de s’être produit et d’avoir pu se montrer. Tout, au contraire, l’amour des biens spirituels est dans une force, dans une fleur de jeunesse perpétuelle, la vieillesse lui est inconnue, pour lui, point de vétusté, il n’est exposé ni au changement, ni à des vicissitudes, ni à l’incertitude de l’avenir ; dès ce monde, il est utile à ceux qui le possèdent, et les protège de toute part ; puis à leur départ d’ici-bas, loin de les abandonner, il fait le voyage avec eux, il les accompagne dans leur migration, et il les fait briller au dernier jour d’un plus grand éclat que les astres eux-mêmes.
Le bienheureux David le savait, et c’est pourquoi il ne cessait d’aimer, et, ne pouvant contenir son amour au dedans de soi, il se hâtait de manifester à ceux qui l’écoutaient ce feu qui le remplissait intérieurement. Ainsi, après avoir dit : « Mon âme a eu soif du Dieu fort, du Dieu vivant », il a ajouté : « Quand irai-je devant Dieu, quand sa face me verra-t-elle ? » Voyez l’homme embrasé, voyez l’homme enflammé. Sachant qu’au sortir d’ici, il le verra, il est impatient du délai ; il ne supporte point ce retard, et il nous montre ici les mêmes sentiments que l’apôtre. En effet, saint Paul gémissait sur l’ajournement de son départ de ce monde (2Cor. 5,2) ; et David éprouvait le même déplaisir, ce qui lui faisait dire : « Quand irai-je devant Dieu, quand sa face me verra-t-elle ? » Et si c’eût été un simple particulier, un homme du vulgaire, de basse condition, vivant dans la pauvreté, t’eût été, mémé dans ce cas, une grande chose que ce mépris de la vie présente ; mais non pas autant que de voir ce souverain, qui jouissait de tant de délices, qui avait tant de gloire en partage, qui avait remporté d’innombrables victoires et vaincu une multitude d’ennemis, dont l’éclat enfin et le renom étaient universels, de voir un tel homme se rire de tout cela, richesse, gloire et délices de toutes sortes, et aspirer aux biens futurs ; ceci est le fait d’un esprit magnanime, d’une âme qui sait goûter la sagesse, et qui a pris son vol vers le céleste amour.
7. Suivons cet exemple, et n’ayons point d’admiration pour les choses présentes, afin d’en avoir pour les choses futures : ou plutôt,