souffrant tout, pour mettre fin à la colère du ciel et aux malheurs qu’ils éprouvaient. Il n’y a rien qui nous rende plus aptes à commander que d’avoir une âme pleine de sagesse et de miséricorde. Aussi le grand Moïse ne fut placé par Dieu à la tête du peuple juif qu’après avoir manifesté par ses actions combien il aimait ce peuple, et plus tard il lui dit : « Si vous leur pardonnez leur faute, pardonnez-la-leur ; sinon, effacez-moi aussi du livre que vous avez écrit. » Et Isaïe lui-même voyant les Juifs périr s’écrie : « Laissez-moi aller, je répandrai des larmes amères ; ne vous mettez pas en peine de me consoler sur la ruine de la fille de mon peuple. » Jérémie fit entendre de longs gémissements, quand la ville eut été renversée. Ézéchiel partit avec les Juifs, regardant comme moins pénible d’habiter sur une terre étrangère que dans sa patrie, et trouvant que le plus grand adoucissement à ses maux c’était d’être auprès des malheureux et de diriger leurs affaires. Et Daniel pour obtenir leur retour resta sans manger pendant vingt jours et plus et montra tout son amour pour eux en suppliant Dieu de les délivrer de cette captivité. C’est par là en un mot que brillent tous les saints. Par exemple, quand David voit la colère du ciel fondre sur le peuple, c’est sur lui-même qu’il veut appeler ce fléau, disant : « C’est moi pasteur qui ai péché, c’est moi pasteur qui ai fait le mal, et ceux-ci, qui sont mon troupeau, qu’ont-ils fait ? Que votre main s’appesantisse sur moi et sur la maison de mon père. » Et Abraham, loin de tout danger, n’ayant pas à craindre de partager la punition des Sodomites, se mit, comme s’il avait été au milieu du péril, à invoquer et à supplier Dieu, et il n’aurait pas cessé d’employer et actions et paroles pour détourner ce terrible embrasement, si Dieu, après l’avoir congédié, n’était enfin parti. Les saints du Nouveau Testament montrèrent encore plus de vertu, parce qu’ils avaient reçu plus de grâces et qu’ils étaient appelés à de plus longs combats. C’est pour ce motif que Pierre, en entendant dire au Christ qu’il est bien difficile aux riches d’entrer dans le royaume des cieux, était dans l’anxiété, et tremblait et adressait cette question : « Qui peut donc être sauvé » ? Et cependant, pour ce qui le concernait, il devait être plein de confiance. C’est que ces saints considéraient moins leur intérêt propre qu’ils ne s’occupaient de toute la terre. Et saint Paul, dans tout le cours de ses épîtres, nous montre la même préoccupation, lui qui à la vision du Christ préférait le salut des hommes : « Mourir et être avec Jésus-Christ est le meilleur, mais rester dans ma chair est plus nécessaire à cause de vous. » (Phil. 1,23, 24) C’est cette même vertu que montre le Prophète quand il expose les révélations de Dieu avec tant de franchise, quand il adresse ses reproches aux pécheurs, quand, dans des circonstances fréquentes et par de longs discours, il tâche d’apaiser Dieu irrité contre les Juifs : ce que l’on peut voir surtout à la fin de la prophétie. Mais enfin abordons le commencement de la prophétie.
CHAPITRE PREMIER.
VISION D’ISAÏE.
ANALYSE.
- 1. Le Prophète nomme sa prédiction une vision, pour signifier que c’est une vue anticipée des événements.
- 2. Le Prophète laissant de côté les hommes adresse la parole aux éléments : c’est une marque de l’indignation qui anime le Prophète et c’est en même temps un moyen d’inspirer aux hommes de la honte de ce qu’étant doués de raison, ils se sont ravalés par le péché au-dessous des créatures privées de sentiment.
- 3 et 4. Tableau de l’ingratitude et de la dépravation des Juifs. Dieu, par la bouche du Prophète, leur adresse de vifs reproches, où se remarque encore de la tendresse ; c’est le langage d’un ami outragé, mais qu’aucun outrage ne rebute. Les sacrifices de. l’Ancien Testament n’étaient pas agréables à Dieu par eux-mêmes. Raison de leur institution. Pourquoi l’ancienne loi permettait le divorce.