S’il dit : « Jeunes gens », ce n’est pas pour mépriser la jeunesse, mais pour mieux montrer la folie de ces chefs. Certes on voit des ' jeunes gens sages, comme aussi des vieillards insensés ; mais parce que cela n’a lieu que rarement et que le contraire arrive bien plus souvent, il se sert de ce nom pour désigner des insensés. Timothée, encore jeune, gouverna des églises avec plus de sagesse que ne l’eussent fait des milliers de vieillards ; Salomon, âgé seulement de douze ans, parlait à Dieu, jouissait d’un grand crédit, fut proclamé et couronné roi, eut pour admirateurs de sa sagesse même des barbares qui vinrent le contempler, non seulement des hommes, mais encore des femmes accourues de loin, dont le voyage n’avait eu que ce seul but, d’entendre et d’apprendre quelque chose de sa bouche ; puis, devenu vieux, perdit beaucoup de sa vertu. Et son père, le bienheureux David, ne commit ce crime désastreux ni dans son enfance ni dans sa jeunesse ; il avait dépassé cet âge lorsqu’il pécha. Il n’était encore qu’un petit enfant lorsqu’il remporta cette admirable victoire, qu’il terrassa le barbare, qu’il montra tant de sagesse, et sa jeunesse n’empêcha nullement ses belles actions. Et quand Jérémie voulut s’excuser à cause de son âge, Dieu n’admit point cette raison ; mais il l’envoya vers le peuple juif et lui dit que sa jeunesse ne lui serait pas un obstacle, pourvu qu’il fût doué de fermeté. C’est à cet âge ou plutôt à un âge bien plus tendre encore que Daniel jugea les vieillards. Josias n’avait pas encore douze ans accomplis lorsqu’il monta sur un trône royal ; et à cet âge il se montrait sage, mais par la suite une négligence qui s’aggravait continuellement corrompit dans son âme toute vertu. Que dire de Joseph ? N’est-ce pas dans sa jeunesse, et encore, dans une extrême jeunesse qu’il eut à soutenir ce rude combat, non contre les hommes, mais contre la tyrannie de la nature, et qu’il sortit du milieu des flammes et d’une fournaise ardente plus terrible que la fournaise assyrienne, sans en avoir rien ressenti et aussi intact que les trois enfants. Le corps de ceux-ci n’avait pas été endommagé, pas même leurs cheveux, on aurait cru qu’ils sortaient de l’eau plutôt que du feu ; de même celui-là échappé aux mains ennemies de l’Égyptienne se retira sans que son innocence eût souffert ni de l’attouchement, ni des paroles, ni de la vue, ni des vêtements, ni des parfums qui allument l’incendie des passions, incendie plus terrible que celui des sarments et de la poix, ni enfin de son jeune âge, comme il arrive trop souvent aux hommes. Et ces trois jeunes gens à la fleur de leur âge surent maîtriser la gourmandise, fouler aux pieds la crainte de la mort, mépriser une armée si nombreuse et un roi dont la colère était plus terrible que ces flammes, et sans s’en effrayer, ils gardèrent toujours une âme libre. Ce n’est donc pas pour mépriser la jeunesse qu’il parle ainsi, car saint Paul, quand il dit : « Non un néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil il ne tombe dans la condamnation du diable (1Tim. 3,6) », n’entend pas désigner une personne jeune encore quant à l’âge, mais plantée, c’est-à-dire, instruite depuis peu de temps ; car planter, dans son langage, c’est instruire et enseigner, comme lorsqu’il dit : « J’ai planté, Apollon a arrosé. » (1Cor. 3,6) Et le Christ appelle aussi cela planter: « Toute plante que n’a point plantée mon Père céleste, sera arrachée. » (Mt. 15,13) Du reste si par ce mot « Néophyte » il eût entendu un jeune homme, il n’aurait pas élevé Timothée jeune encore et si jeune qu’il lui dit : « Que personne ne méprise ta jeunesse » (1Tim. 4,12) », il ne l’aurait pas, dis-je, élevé à cette dignité et ne lui aurait pas confié le soin de tant d’églises.
« Et des moqueurs les domineront. » Vous le voyez, ce n’est pas le jeune âge qu’il méprise, mais la perversité. Ce seul mot ajouté rend sa pensée plus claire. Car par moqueurs il entend ici des trompeurs, des railleurs, des flatteurs, tous ceux enfin qui par leurs paroles se livrent au démon. « Tout le peuple se précipitera, homme contre homme, voisin contre voisin (6). » Car de même que, quand les poutres qui soutiennent une construction sont pourries ou qu’on les a retirées, les murs s’écroulent nécessairement puisque rien ne les retient plus, de même après la disparition de tous ceux que le Prophète vient de rappeler, chefs, conseillers, juges, prophètes, il n’y aura plus rien qui empêche la nation de tomber en dissolution, d’être livrée à une immense ruine.
4. « L’enfant se lèvera audacieusement contre le vieillard et les derniers du peuple contre les nobles. » Le jeune homme, veut-il dire, se soulèvera contre le vieillard, le méprisera, le dédaignera. Voilà ce qui, même
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/374
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée