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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/66

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disait : or ce Dieu si puissant, si fort, si redoutable, qui porte et conduit tout, qui secoue, remue tout, a comblé notre cité de mille bienfaits. Car le mot « fleuve » est mis ici pour exprimer l’abondance des largesses d’en haut et leur inépuisable épanchement. Tous les biens, semble-t-il dire, coulent sur nous comme de sources intarissables. De même qu’un fleuve divisé en mille canaux arrose les contrées subjacentes, ainsi la bonté de Dieu s’épanche de toutes parts sur nous, à flots abondants et tumultueux, remplissant tout de ses ondes bienfaisantes. Avec une entière sûreté, un secours incessant, elle nous procure encore une grande joie spirituelle ; ce que le Psalmiste veut dire par les mots : « Le Très-Haut a sanctifié son tabernacle. » Et ce n’est pas là le moindre des bienfaits pour une ville, qu’elle soit appelée le tabernacle de Dieu.
2. Et l’expression de « Très-Haut » n’est pas mise là au hasard, elle fait entendre que celui qui est élevé, celui qu’aucun lien ne peut contenir, que la substance illimitée[1] a daigné appeler la ville des Juifs son sanctuaire et qu’il l’embrasse de toutes parts. C’est ce que veulent dire ces mots : « Au milieu d’elle », ainsi que ceux-ci qu’on lit ailleurs : « Voici que je suis avec vous. » (Mt. 28,20) Il l’enveloppe de toutes parts ; c’est pourquoi, non seulement elle ne souffrira aucun dommage, mais elle ne sera pas même ébranlée, la raison en est qu’elle peut compter sur le secours le plus prompt, son protecteur étant toujours disposé et prêt à agir. Car voilà le sens de ces mots, « Dès l’aube du jour ; » ils marquent qu’il s’agît d’un protecteur qui n’est jamais en retard, qui ne vient point avec lenteur, dont la force est toujours jeune, vigoureuse, et qui ne manque jamais quand l’heure est venue. – « Les nations ont été troublées (7) ; » un autre « les nations se sont rassemblées. Les royaumes ont penché. Le Très-Haut a fait entendre sa voix ; la terre a été ébranlée. »
Ici le Psalmiste montre l’énergie des secours. Il ne s’agit pas d’assaillants tels quels ; mais des rois, des nations se liguent de toutes parts pour bloquer, pour assiéger une seule ville, et celle-ci non seulement ne souffre aucun dommage, mais elle surmonte, elle dompte et renverse les assaillants. C’est ce que veut dire ce passage : « Les royaumes ont penché, le Très-Haut a fait entendre sa voix. » Comme si on disait : le seul son de sa voix prend les villes ; expression grossière et plus digne de l’homme à qui elle s’adresse que de Dieu, à qui, elle s’applique. Dieu n’a pas besoin de voix ni de cri pour vaincre mais seulement de sa volonté. Cependant cette dernière manière de parler de Dieu succède à de plus grossières encore, et c’est pour élever les esprits à de plus hautes conceptions que le Psalmiste l’emploie. Ayant partout représenté Dieu comme un guerrier couvert de ses armes, il veut montrer que ce ne sont là que des métaphores, des figures, des façons de parler appropriées à la faiblesse humaine. (Dieu n’a pas besoin d’armes), et c’est pour cela qu’il ajoute : « qu’il a fait entendre sa voix et que la terre a été ébranlée ;» ce qui signifie qu’il ébranle les villes, les nations et les contrées et jusqu’aux éléments. Par la terre l’Écriture a aussi coutume de désigner les multitudes qui l’habitent, comme lorsqu’elle dit : « Et toute la terre était une seule langue (Gen. 2,1) – Le Seigneur des puissances est avec nous ; le Dieu de Jacob est notre défenseur. » Au lien de : « Des puissances », l’hébreu dit Sabaoth (8).
Voyez comment le Psalmiste passe de la terre au ciel et comment il élève subitement sa parole jusqu’aux peuples innombrables des anges, aux nations des archanges, aux puissances d’en haut. Que me parlez-vous encore et d’armées, et de barbares, et d’hommes mortels ? semble dire le Psalmiste. Pour vous faire une idée de la force de Dieu, songez à la royauté qu’il exerce, et aux armées innombrables des puissances invisibles qui sont rangées sous son commandement dans les cieux. Et ce terme de « puissances », est très-bien choisi pour exprimer la force de ces habitants du ciel. Le Psalmiste l’emploie encore dans un autre endroit, disant : « Les puissants par la force, ceux qui exécutent sa volonté. » (Ps. 102,20) Les anges en effet sont très-forts, puisqu’un seul d’entre eux étant sorti des rangs de l’armée du ciel tua cent quatre-vingt-cinq mille hommes. – Que nous fait, direz-vous, la force de Dieu, s’il ne veut pas nous tendre la main ? C’est pour que vous n’ayez pas cette crainte que le Psalmiste ajoute : « Notre défenseur. » Donc il a non seulement le pouvoir mais encore la volonté de nous secourir. – Mais peut-être n’en sommes-nous pas dignes ? – Ne craignez rien, sa bienveillance est un héritage que nous ont laissé nos pères ; c’est ce que le Psalmiste insinue

  1. Je lis ἄφραχτος, au lieu d’ ἄφραστος.