Voulant montrer qu’il pouvait tout faire par sa parole : « Levez-vous », lui dit-il, « emportez votre lit et marchez (8) ».
Quelques-uns croient que ce paralytique est le même que celui dont parle saint Matthieu, mais il n’en est rien, comme le démontrent un grand nombre de preuves. Premièrement celui-ci n’avait personne qui eût soin de lui ; mais celui-là avait bien des, gens qui le soignaient et le portaient. L’autre dit : « Je n’ai personne ». La réponse fait une seconde différence : celui-là ne parle point, celui-ci raconte tout ce qui le regarde. Une troisième preuve se tire du temps : l’un fut guéri un jour de fête, et le jour même du sabbat, l’autre en un autre jour. Il y a aussi une différence, de lieux : celui-là est guéri dans une maison, celui-ci auprès de la piscine. Le mode de guérison est aussi différent : là Jésus-Christ dit : « Vos péchés vous sont remis » (Id), ici il guérit premièrement le corps, et l’âme ensuite : là il donne la rémission, car il dit : « Vos péchés vous sont remis » ; ici il invite, il exhorte à se tenir sur ses gardes pour l’avenir « Ne péchez plus à l’avenir », dit-il, « de peur qu’il ne vous arrive quelque chose de pire ». (Jn. 5,14) Les accusations des Juifs ne diffèrent pas moins : ici ils blâment Jésus-Christ d’avoir fait la guérison le jour du sabbat, là ils l’accusent d’avoir blasphémé.
Pour vous, mon cher frère, considérez l’immense sagesse de Dieu. Il ne fit pas sur-le-champ sortir le paralytique, de son lit ; mais premièrement, discourant avec lui et l’interrogeant, il gagne son affection et sa confiance, afin d’ouvrir dans son cœur un chemin à la foi. Et non seulement il le fait lever et le guérit, mais encore il lui commande de porter son lit, afin d’établir la réalité du miracle, et que personne ne pût y soupçonner de prestige ou d’illusion. En effet, si les membres n’avaient pas repris leur, force et leur vigueur, il n’aurait pas pu porter son lit.
Souvent Jésus-Christ en use de la sorte, pour mieux clore la bouche à l’impudence des incrédules. Dans le miracle des pains (Mt. 14,1-14), de peur que quelqu’un ne dît que le peuple avait seulement été rassasié, et que la multiplication des pains n’était qu’une pure imagination, il eut soin qu’il restât une grande quantité de morceaux. Quand il eut guéri le lépreux, il lui dit : « Allez vous montrer aux prêtres » (Mt. 8,4) ; afin de rendre manifeste cette guérison, et de réprimer l’insolence de ceux qui l’accusaient d’aller contre les préceptes de Dieu. Le Sauveur a fait la même chose, lorsqu’il changea l’eau en vin (Jn. 2,8) : car il ne fit pas seulement voir le vin, mais il en fit porter au maître d’hôtel, afin que celui qui pouvait assurer qu’il ne savait pas comment la chose s’était passée rendît un témoignage qui ne fût point suspect. C’est pourquoi l’évangéliste a dit : Le maître d’hôtel ne savait pas d’où venait ce vin(Id. 9) ; par : là il a fait connaître que le témoignage de cet homme était tout à fait certain. Et ailleurs, après avoir ressuscité un mort, Jésus dit : « Donnez-lui à manger » (Mt. 5,43), pour rendre indubitable le miracle de cette résurrection, C’est par toutes ces choses que Jésus-Christ persuade, même les plus insensés, qu’il n’est point un fourbe, ou un enchanteur, et qu’il est venu pour le salut de tous les hommes.
Mais pourquoi, à ce paralytique, Jésus-Christ ne demande-t-il pas la foi, comme à ces aveugles à qui il dit : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous me demandez ? » (Mc. 6,35 ; Lc. 9,12 ; Mt. 9,28) Parce que cet, homme ne savait pas encore qui il était : Jésus-Christ n’a pas coutume de demander la foi avant, mais après les miracles. Et c’est avec justice qu’il l’exigeait de ceux qui avaient vu dans les autres des effets de sa puissance ; mais à l’égard de ceux qui ne le connaissaient point encore, et qui devaient le connaître par les miracles, il ne les invite à croire qu’après les avoir opérés. C’est pourquoi saint Matthieu ne marque pas, dans son évangile, que Jésus-Christ ait demandé la foi, quand il commença de faite des miracles ; mais qu’il l’exigea de ces deux aveugles seulement après qu’il eût guéri bien des malades.
Ici, mon cher auditeur, remarquez la foi de ce paralytique. Entendant ces paroles : « Emportez votre lit, et marchez », il ne rit pas, il ne dit pas : Qu’est-ce que cela veut dire ? l’ange descend et trouble l’eau, et il ne guérit qu’un seul malade : et vous, qui êtes un homme, vous espérez faire, par votre seul commandement, plus qu’un ange ? Il y a là un orgueil et une présomption tout à fait risible. Mais il ne dit rien, de cela, ou même il n’en eut pas la pensée ;-et aussitôt qu’il eut entendu cette parole : « Levez-vous », il se leva et fut guéri ; il obéit sur-le-champ à celui qui lui fit
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