ce commandement : « Levez-vous, emportez votre lit, et marchez ». Certes, cela est admirable ! mais ce qui suit l’est beaucoup plus : ou plutôt qu’il ait cru au commencement, quand personne ne murmurait, cela n’est pas si merveilleux ; mais que dans la suite il soit demeuré ferme dans sa foi, lorsque les Juifs, comme des furieux et des enragés, se jetaient sur lui, le chargeaient de reproches, l’assiégeaient de toutes parts et lui disaient : « Il ne vous est pas permis d’emporter votre lit » ; qu’alors non seulement il ait méprisé leur furie et leur rage, mais qu’il ait hautement et publiquement proclamé, avec une fermeté pleine et entière, le bienfait qu’il avait reçu, et réprimé leur insolence ; c’est là, selon moi, la marque d’une âme vraiment forte et généreuse. En effet, les Juifs se jettent sur lui, l’accablent d’injures et d’outrages, lui disent avec insolente : « C’est aujourd’hui le sabbat, il ne vous est pas permis d’emporter votre lit », et il leur répond froidement : « Celui qui m’a guéri m’a dit : Emportez votre lit, et marchez (11) ». Seulement il s’abstient de leur dire : Vous êtes des fous et des insensés de vouloir que je ne regarde pas comme mon Maître celui qui m’a délivré d’une si longue et si cruelle maladie, et que je n’exécute pas tout ce qu’il m’a ordonné. Au reste, s’il eût voulu user d’artifice, il pouvait se tirer d’affaire d’une autre manière, en disant : Je ne fais pas ceci volontairement, mais pour obéir au commandement qu’on m’en a fait ; s’il y a du mal, rejetez-le sur cette personne, et je vais laisser là mon lit, ou peut-être aurait-il caché le bienfait de sa guérison : car il savait fort bien que ce n’était point tant la violation du sabbat qui leur tenait au cœur, que de voir qu’un malade eût été guéri. Mais il n’a point télé le miracle, ne s’est point excusé : il a nettement confessé le bienfait de sa guérison, et l’a hautement publié. Voilà ce qu’a fait le paralytique.
Mais maintenant considérez, je vous prie, avec quelle malignité les Juifs se conduisirent. Ils ne dirent pas : Qui est-ce qui vous a guéri ? mais laissant cela, ils relevaient avec grand bruit cette violation du sabbat. « Qui est donc cet homme-là qui vous a dit : Emportez votre lit, et marchez (12) ? Mais celui qui avait été guéri, ne savait pas lui-même qui il était car Jésus s’était retiré de la foule du peuple qui était là (13) ». Et pourquoi Jésus-Christ se cacha-t-il ? Premièrement, afin que par son absence il rendît le témoignage exempt de tout soupçon : car celui qui avait en lui-même le sentiment et la preuve du rétablissement de sa santé, était un témoin du bienfait tout à fait digne de foi : en second lieu, pour n’allumer pas davantage dans leur cœur le feu de leur colère ; il savait que la seule présence de celui qui est en butte à l’envie est capable d’en attiser le feu. C’est pourquoi il se retire et leur laisse toute liberté de discuter entre eux cette affaire, ne disant rien lui-même pour sa justification, mais voulant que ceux qui avaient été guéris, parlassent seuls avec les accusateurs. Et ces accusateurs eux-mêmes rendent aussi témoignage du miracle ; en effet, ils ne disent pas : Pourquoi avez-vous commandé que cela se fît le jour du sabbat ? ruais : pourquoi faites-vous cela le jour du sabbat ? où l’on voit que ce n’est pas la transgression de la loi qui anime, mais la jalousie qu’ils ont de la guérison du paralytique. Et toutefois, à considérer les choses humainement, il fallait bien plutôt accuser d’avoir travaillé le paralytique, que Jésus-Christ, qui avait seulement prononcé une parole. Ici c’est par un autre que Jésus-Christ fait violer le sabbat, ailleurs c’est lui-même qui le viole, savoir, lorsqu’il fait de la boue avec sa salive (Jn. 9,6), et qu’il en oint les yeux. Au reste, Jésus-Christ opérant ces guérisons, ne transgresse point la loi, mais il passe et s’élève au-dessus de la loi. Nous reviendrons sur ce sujet dans la suite car étant accusé de ne pas garder le sabbat, il ne se justifie pas partout de la même manière ; c’est ce qu’on doit exactement observer.
3. Mais en attendant, voyons, mes frères, combien est grand le mal que produit l’envie voyons de quelle manière elle aveugle les yeux de l’âme pour la ruine de celui qui l’éprouve. Comme souvent ceux qui sont transportés de fureur se plongent le poignard dans le sein ; de même aussi les envieux, ne regardant qu’à la perte de celui à qui ils portent envie, se précipitent avec une brutale impétuosité à la leur propre. Ces hommes sont pires que les bêtes mêmes : car si les bêtes s’arment contre nous, c’est, ou parce qu’elles n’ont point à – manger, ou parce que nous les avons provoquées ; mais ceux-ci, après avoir reçu des bienfaits, traitent souvent comme ennemis leurs propres bienfaiteurs. Sûrement, ils sont pires que les bêtes, pareils aux démons ; ou plutôt, peut-être sont-ils plus méchants
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