Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

par la voix que le Père a fait retentir, par le témoignage de l’Esprit-Saint, par les prophètes qui longtemps auparavant l’avaient annoncé. Sur la terre, tout était bas, tout était vil, afin que sa puissance en éclatât davantage. De plus, il est venu pour nous enseigner que nous devons mépriser les choses présentes, et ne point admirer ce qui paraît brillant en cette vie, mais nous en moquer et n’aimer que les biens à venir. En effet, celui qui admire les choses de ce monde n’admirera point celles du ciel. Voilà pourquoi Jésus-Christ disait à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn. 18,36), afin qu’il ne parût pas se servir d’une crainte ni d’une puissance humaine pour persuader son innocence. Pourquoi donc le prophète dit-il : « Voici votre roi qui vient à vous plein de douceur ; il est monté sur l’ânon de celle qui est sous le joug ? » (Zac. 9,9 ; Mt. 21,5) Le prophète parle du royaume céleste et non pas de celui de la terre. C’est pourquoi Jésus-Christ disait encore : « Je ne tire point ma gloire d’un homme ». (Jn. 5,41)
4. Apprenons donc, mes très-chers frères, à mépriser les dignités humaines, bien loin de les désirer. Nous sommes élevés à une grande et haute dignité ; c’est un outrage, une moquerie et une vraie comédie que de lui comparer les dignités, les honneurs de ce monde : de même que les richesses de la terre, si vous les comparez à celles du ciel, sont la pauvreté même, et cette vie sans l’autre, une mort : « Laissez aux morts », dit Jésus-Christ, « le soin d’ensevelir leurs morts » (Mt. 8,22) ; de même aussi cette gloire, si on la compare à celle qui nous attend, n’est qu’une honte, une risée, un jeu. Ne la recherchez donc pas. Si ceux qui la donnent sont plus vils et plus méprisables que l’ombre et qu’un songe, la gloire elle-même l’est bien plus encore. « La gloire de l’homme est comme la fleur de l’herbe ». (1Pi. 1,24) Est-il rien de plus vil que la fleur de l’herbe ? Mais quand cette gloire serait de longue durée, quel profit, quel avantage l’âme en retirerait-elle ? Aucun : au contraire, elle nuit extrêmement, elle nous asservit, nous rend ses valets et de pire condition que les esclaves, des valets forcés de servir, non un seul maître, mais deux, trois et mille qui commandent tout à la fois des choses différentes. Combien n’est-il pas plus avantageux d’être libre que d’être esclave ? d’être libre de la servitude des hommes, et d’obéir aux commandements de Dieu ? Enfin, vous voulez aimer la gloire, aimez-la ; mais aimez la gloire immortelle : elle est plus brillante et beaucoup plus utile. C’est au prix de votre salut que le monde vous rend son admiration ; mais Jésus-Christ vous donne le centuple de tout ce que vous lui donnez, et encore y ajoute-t-il la vie éternelle. Que vaut-il donc mieux : être l’admiration de la terre on du ciel ; des hommes ou de Dieu ? Pour votre perte ou pour votre profit ? Être couronné pour un jour ou pour des siècles sans fin ?
Donnez à l’indigent et non à ce baladin, de peur qu’avec votre argent vous ne perdiez aussi son âme. Lorsque vous allez curieusement et fort mal à propos le voir danser, vous êtes responsable de sa perte. Si ces malheureux savaient que leur art ne leur sera d’aucun profit, déjà depuis longtemps ils l’auraient abandonné : mais lorsqu’ils vous voient accourir, applaudir, ouvrir votre bourse et épuiser toutes vos richesses pour les enrichir, encore qu’ils ne voulussent plus s’obstiner dans leur métier, l’appétit du gain les y tient attachés. S’ils savaient que personne ne prendra plaisir à leurs exercices, le profit cessant, vite ils quitteraient le métier ; mais comme ils se voient admirés, l’approbation publique est une amorce qui les séduit.
Cessons de faire d’inutiles dépenses : apprenons-en quoi et quand il faut dépenser : craignons d’irriter la colère de Dieu ; et en amassant par où il n’est pas permis d’amasser, et en répandant où il ne le faut point. De quelle vengeance n’êtes-vous pas digne lorsque, laissant là le pauvre, vous donnez à une prostituée ? Et quand même vous ne lui donneriez qu’un argent bien acquis, récompenser le crime et honorer ce qui mérite punition, n’est-ce pas là un grand péché ? Mais si vous dépouillez l’orphelin et frustrez la veuve pour encourager l’incontinence, songez au feu que Dieu allumera pour punir une action si abominable. Écoutez ce que dit saint Paul : « Ceux qui font ces choses sont dignes de mort ; et non seulement ceux qui les font, mais aussi quiconque approuve ceux qui les font ». (Rom. 1,32) Peut-être nos réprimandes sont-elles trop dures et trop fortes, mais notre silence même ne vous préserverait pas des supplices préparés pour ceux qui ne se