Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/456

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craignait le plus : savoir, d’être séparé de son Maître. C’est lui qui lui demandait souvent où il irait, et lui disait pour cette raison : « Je donnerai ma vie pour vous ». Si, ayant entendu dire à son Maître : « Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez ensuite », il ne cessa pas de résister ; bien moins aurait-il cédé, s’il avait déjà su de quoi il s’agissait. Voilà pourquoi Jésus lui dit : « Vous le saurez ensuite » ; sachant bien que si Pierre avait connu son intention, il aurait encore résisté davantage. Et Pierre ne dit point : Apprenez-le-moi maintenant, afin que je vous laisse faire ; mais, ce qui marquait plus de vivacité, il n’eut même pas la patience de l’apprendre, et continua à résister. Non, dit-il, « vous ne me laverez point les pieds ». Mais lorsque Jésus l’eut menacé de n’avoir point de part avec lui, il se rendit et obéit sur-le-champ.

Maintenant, que signifie cette parole : « Vous le saurez ensuite ? » En quel temps ? Lorsque vous chasserez les démons en mon nom, lorsque vous me verrez m’élever dans le ciel, lorsque vous aurez appris du Saint-Esprit que je suis assis à la droite de mon Père : vous saurez alors ce que je fais maintenant. Que répondit donc Jésus-Christ ? Comme Pierre avait dit. « Non-seulement les pieds, mais aussi les « mains et la tête », le Sauveur lui dit : « Celui qui a déjà été lavé n’a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur dans tout le reste (10) ». Et pour vous aussi, vous êtes purs, « mais non pas tous. Car il savait qui était celui qui le devait trahir (11) ». S’ils sont purs, pourquoi lavez-vous leurs pieds ? C’est pour vous apprendre à vous abaisser et à vous humilier. Voilà pourquoi le Sauveur a lavé seulement celui des membres qui paraît le plus vil de tous.

Et que signifient ces paroles : « Celui qui a été lavé ? » C’est-à-dire : Celui qui est pur. Mais les disciples étaient-ils purs, eux qui n’étaient point encore délivrés de leurs péchés, qui n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit ? Étaient-ils purs, lorsque le péché dominait encore dans le monde, lorsque l’arrêt de notre condamnation subsistait, lorsque la victime n’avait point encore été offerte ? Comment donc Jésus-Christ les dit-il purs ? Il les dit purs : mais afin que vous ne croyiez pas que, pour être purs, ils fussent entièrement affranchis du péché, il a ajouté. « Vous êtes déjà purs à cause des instructions que je vous ai données » (Jn. 15,3) ; c’est-à-dire, vous êtes purs, en ce sens que vous avez reçu ma parole : vous avez déjà reçu la lumière : déjà vous êtes délivrés des erreurs et des superstitions juives. Le prophète dit : « Lavez-vous, purifiez-vous, chassez la malice de vos cœurs ». (Isa. 1,16) C’est pourquoi, celui qui a fait ces choses, est lavé et pur. Les disciples ayant donc renoncé à toutes sortes de malices, et vivant avec leur Maître dans une grande pureté d’esprit et de cœur, Jésus-Christ les dit purs, selon la parole du prophète : Celui qui a été lavé est déjà pur. Car le Sauveur n’a point en vue ici la pureté légale qui s’acquiert par l’eau et les cérémonies judaïques : il parle de la pureté de conscience.

3. Soyons donc purs nous-mêmes aussi : apprenons à faire le bien. Et qu’est-ce que faire le bien ? « Faites justice à l’orphelin, défendez la veuve » ; et, après cela : « Venez, et disputons[1], dit le Seigneur ». L’Écriture fait souvent mention des veuves et des orphelins : mais nous n’y avons nul égard. Pensez pourtant à la récompense promise. « Quand vos péchés », dit le Seigneur, « seraient comme l’écarlate, je les rendrai blancs comme la neige ; et quand ils seraient rouges comme le vermillon, je les rendrai blancs comme la neige la plus blanche ». Une veuve n’a personne pour la défendre et la protéger ; voilà pourquoi le Seigneur en prend un grand soin. Une veuve est une femme qui, pouvant se remarier, souffre, par crainte de Dieu, les peines et les afflictions de la viduité. Tendons-leur donc la main, nous tous, et hommes et femmes, de peur que nous ne soyons un jour dans la même peine. Que si nous devons y tomber, assurons-nous par là à nous-mêmes la charité d’autrui.

Les larmes des veuves n’ont pas peu de force et de vertu, elles peuvent ouvrir le ciel même. Gardons-nous bien de les insulter, d’augmenter leurs peines et leurs calamités : mais au contraire assistons-les de toutes manières. Si nous le faisons, nous nous procurerons un asile bien sûr, et dans ce monde et dans l’autre. Ce n’est pas ici-bas seulement que ces

  1. « Disputons ». Saint Chrysostome, saint Cyprien, et quelques autres Pères lisent de même : Disputemus, disputons, plaidons, c’est-à-dire : « Voyons qui de nous aura tort ». L’hébreu et les Septante lisent : « Accusons-nous l’un l’autre ». Notre Vulgate dit : « Accusez-moi » : c’est-à-dire, accusez-moi d’injustice, si je vous punis, lorsque vous vivrez dans la justice et dans l’innocence.