HOMÉLIE LXXIII.
SIMON PIERRE LUI DIT : SEIGNEUR, OU ALLEZ-VOUS ? JÉSUS LUI RÉPONDIT : VOUS NE POUVEZ MAINTENANT ME SUIVRE OU JE VAIS, MAIS VOUS ME SUIVREZ APRÈS. (VERS. 36, JUSQU’AU VERS. 7 DU CHAP. XIV)
ANALYSE.
- 1. Vivacité et ardeur de saint Pierre. – L’amour n’est rien sans la grâce. – Chute de saint Pierre prédite. – Saint Pierre, Coryphée ou chef du collège apostolique.
- 2. Jésus-Christ, pour ne pas attrister ses disciples, leur cachait certaines choses. – Jésus-Christ montre une fois de plus qu’il est égal au Père – Vision se prend pour connaissance.
- 3. Avoir grand soin de laver toutes les souillures de l’âme : premièrement, c’est le baptême qui les efface, ensuite plusieurs autres moyens. – Le premier, l’aumône. – Qualité qu’elle doit avoir pour être bonne, juste et utile. – Offrir à Dieu une oblation de ses rapines, c’est lui offrir son péché, c’est souiller l’autel et les âmes des saints. – Autel de pierre. – La moindre rapine infecte toutes les richesses. – On se lavait les mains en entrant dans l’église. – Il est indifférent de prier sans avoir lavé les mains. – On fait avec grand soin les petites choses, on néglige les plus grandes. – Faire l’aumône de rapines, c’est un crime. – Il vaut mieux ne point faire des œuvres de miséricorde, que de les faire de nos vols et de nos concussions.
1. L’amour est un grand bien : c’est quelque chose de plus impétueux que le feu, qui s’élève jusqu’au ciel même, et dont rien ne peut arrêter la violence. Pierre, cet homme vif et bouillant, ayant entendu dire à son Maître : « Vous ne pouvez pas venir où je vais », que répond-il ? « Seigneur, où allez-vous ? » Il ne le dit pas tant pour être instruit que par le désir qu’il a de le suivre il n’ose pas dire : Je vais, je vous suis, mais il dit : « Où allez-vous ? » Jésus-Christ ne répond point à ses paroles, mais à sa pensée, comme sa réponse le fait connaître. Et que lui répond-il ? « Vous ne pouvez maintenant me suivre où je vais ». À ces paroles, ne voyez-vous pas que Pierre désirait de suivre son Maître, et que c’est pour cela qu’il lui a demandé où il allait ? Et, chose étonnante, cette réponse : « Vous me suivrez après », ne lui suffit pas pour le retenir, ni pour réprimer la violence de son désir, encore qu’il entende qu’il a lieu d’espérer, mais il se laisse emporter jusqu’à dire : « Pourquoi ne vous puis-je pas suivre maintenant ? Je donnerai ma vie pour vous (37) ». Comme il n’avait plus la crainte d’être le traître, et qu’il était regardé comme un bon et fidèle disciple, il interroge
enfin hardiment et avec confiance lorsque tous les autres gardent le silence.
Ah ! Pierre, que dites-vous ? Votre Maître vous dit : « Vous ne pouvez pas », et vous répondez : Je puis ! Vous apprendrez donc, par votre propre expérience, que votre amour n’est rien sans la grâce d’en haut. Et par là on voit clairement que ce fut pour l’utilité de Pierre ; que le Sauveur permit sa chute. Pierre ayant dit avec trop de confiance et de hardiesse : « Je vous suivrai », Jésus-Christ voulut l’instruire en lui faisant connaître sa faiblesse. Or, comme il persévérait dans sa véhémence, Jésus-Christ, à la vérité, ne le porta point, ni le poussa point à le renoncer, mais il l’abandonna, afin qu’il connût sa faiblesse.
Jésus prédit qu’il serait livré et mis à mort. Pierre répondit : « Épargnez-vous à vous-même tous ces maux, cela ne vous arrivera point » (Mt. 26,22) ; il en fut repris, et il ne se corrigea point ; Jésus voulant lui laver les pieds, il s’y opposa et dit : « Vous ne me laverez jamais les pieds ! » (Jn. 13,8) Et encore, son Maître lui dit : « Vous ne pouvez maintenant me suivre », et il répond « Quand même tous vous renonceraient, je