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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/469

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ne vous renoncerai point ». (Jn. 13,35) Comme donc il était visible que Pierre tombait dans l’arrogance et ne cherchait qu’à contester, son Maître l’avertit enfin de ne plus disputer ni s’opposer à ce qu’il veut. Saint Luc nous insinue ces choses, en rapportant que Jésus-Christ dit : « J’ai prié pour vous, afin que votre foi ne vienne point à manquer » (Lc. 22,32) ; c’est-à-dire, afin que vous ne périssiez pas entièrement et jusqu’à la fin. Le Sauveur nous apprend aussi qu’il faut pratiquer l’humilité en toutes choses, et il nous fait connaître que la nature humaine n’est rien par soi, « qu’elle n’est en soi que faiblesse et qu’infirmité ». Comme Pierre était toujours prêt à disputer, se laissant emporter à la violence de son amour, Jésus-Christ l’avertit de s’en corriger, de peur que, dans la suite, lorsqu’il aura reçu le gouvernement de tout le monde, il ne tombe dans la même faute ; et il permet sa chute, afin qu’il se connaisse bien lui-même par le souvenir de ce qui lui est arrivé.
Mais voyez combien est grande cette chute Pierre ne renonça pas une ou deux fois son Maître, mais il s’oublia au point de le renoncer trois fois en peu de temps, afin qu’il connût qu’il m’avait point tant aimé son Maître qu’il n’en avait été aimé. Et néanmoins, à celui-là même qui avait fait une si grande chute, Jésus dit encore : « M’aimez-vous plus que ne font ceux-ci ? » (Jn. 21,15) Ce n’est donc pas pour avoir été froid que Pierre est tombé, mais c’est pour avoir été privé du secours d’en haut : Jésus reçoit son amour, mais l’esprit de contradiction qui naît de cet amour, il le retranche et le rejette : Pierre, si vous m’aimez, vous devez vous soumettre et obéir à celui que vous aimez.
Jésus-Christ vous a dit, et à vous et à vos compagnons : « Vous ne pouvez pas » ; pourquoi disputez-vous ? Quoi ! Vous ne concevez pas ce que c’est qu’une négation que Dieu prononce ? Eh bien ! puisque cela ne suffit point à vous convaincre que ce que je déclare impossible ne saurait arriver, vous l’apprendrez par votre renoncement, qui vous a paru d’abord incroyable. L’une de ces choses vous était inconnue : de l’autre, vous aviez une connaissance au fond de votre âme : néanmoins, vous voyez se réaliser cela même à quoi vous ne vous attendiez pas.
« Je donnerai ma vie pour vous ». (Jn. 13,37) Comme Pierre avait entendu dire à son Maître que personne ne peut montrer un plus grand amour qu’en donnant sa vie (Jn. 15,13), aussitôt cet homme plein de feu, dont l’amour est insatiable, saisit cette, parole et croit pouvoir atteindre à ce qu’il y a de plus élevé. Mais Jésus-Christ, pour lui montrer qu’il n’appartient qu’à lui seul de promettre avec infaillibilité un pareil sacrifice, lui repartit : « Le coq ne chantera point que vous ne m’ayez renoncé trois fois (38) » ; c’est-à-dire, tout à l’heure. Et, en effet, le moment n’était plus très-éloigné. C’était fort avant dans la nuit que Jésus disait ces choses, et déjà la première et la seconde veille étaient passées.
« Que votre cœur ne se trouble point. (Ch. 14,1) » Jésus-Christ le dit, parce qu’il y avait toute apparence que ses paroles avaient troublé ses disciples. Si le chef, qui était si zélé et si plein d’ardeur, s’entendit faire cette terrible prédiction, qu’il renoncerait son Maître avant que le coq eût chanté trois fois, il était bien croyable que les disciples devaient être dans une grande affliction, et dans une tristesse capable de briser même des cœurs de diamant. Comme donc la pensée de ces choses ne pouvait manquer de troubler les disciples, et de les jeter dans l’effroi, leur Maître les console en leur disant : « Que votre cœur ne se trouble point » : commençant à montrer par là la vertu et la puissance de sa divinité ; puisque ce qu’ils ont dans le cœur il le connaît, et il le leur découvre publiquement.
« Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi (1) » ; c’est-à-dire, toutes vos afflictions passeront : car, croire en moi et en mon Père, c’est quelque chose de plus fort que toutes les afflictions, et cette foi ne vous laissera point succomber aux épreuves. Le Sauveur ajoute ensuite : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père.(2) ». Comme il a consolé Pierre dans sa tristesse, en disant : « Mais « vous me suivrez après », il console de même ses autres disciples en leur donnant la même espérance. Car, de peur qu’ils ne croient que la promesse qu’il fait, ne regarde que Pierre seul, il dit : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n’était, je vous l’aurais dit, car je m’en vais vous préparer le lieu ». Et c’est comme s’il disait vous serez reçus dans la même maison que Pierre. Il y a là un grand nombre de demeures,