Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

richesses n’avaient pu m’écarter de mon devoir, ne réussît, à force d’argent, à m’exclure des honneurs. Une fois délivré de cette grande affaire de ma candidature, l’esprit plus libre et plus à l’aise, j’ai concentré sur cette cause toute mon activité, toutes mes pensées. Je trouve, juges, que le plan conçu et arrêté par mes adversaires a été de traîner l’affaire en longueur par tous les moyens possibles, afin qu’elle fût plaidée devant M. Métellus, devenu préteur. Ce plan offrait plusieurs avantages : on avait d’abord M. Métellus, ami intime de l’accusé ; ensuite Hortensius, consul, et même Q. Métellus, non moins favorable à cet homme, comme vous l’allez voir, car il lui a donné, pour ainsi dire, une preuve anticipée de sa protection, sans doute par reconnaissance pour les suffrages qu’il lui doit. Avez-vous pensé que je me tairais sur des faits de cette gravité, et, lorsqu’un si grand danger menace la république et ma réputation, que je songerais à autre chose qu’à mon devoir et à ma dignité ? L’autre consul désigné mande chez lui les Siciliens : quelques-uns s’y rendent, parce que L. Métellus est préteur en Sicile. Il leur dit qu’il est consul ; que l’un de ses frères gouverne la province de Sicile, et que l’autre connaîtra des affaires de concussion ; que toutes les mesures ont été prises pour qu’on ne pût nuire à Verrès.

X. Qu’est-ce, je vous prie, Métellus, que corrompre la justice, si ce n’est pas cela ? mander des témoins, des Siciliens surtout, hommes timides et abattus, et les effrayer non seulement par l’autorité, mais par la crainte du ressentiment consulaire, et par le pouvoir de deux préteurs ? Que feriez-vous pour un homme innocent, et l’un de vos proches, lorsque, pour un homme perdu, et qui vous est tout à fait étranger, vous manquez à votre devoir et à votre dignité ? lorsque vous vous exposez à ce que ceux qui ne vous connaissent pas, tiennent pour vrai ce que Verrès dit de vous ? Car il répétait, disait-on, que vous ne deviez pas, comme les autres consuls de votre famille, le consulat au destin, mais à ses bons offices. Il aura donc deux consuls et un préteur à sa dévotion. Non seulement nous éviterons, dit-il, un magistrat trop vigilant dans l’instruction de la cause, et trop esclave de l’estime populaire, M. Glabrion ; mais nous aurons un autre avantage. Au nombre des juges est M. Césonius, collègue de notre accusateur, homme éprouvé et connu dans la judicature, qu’il ne nous serait pas favorable de rencontrer dans un tribunal que nous chercherions à corrompre car déjà, lorsqu’il siégeait parmi les juges présidés par Junius, non seulement il a été indigné d’une semblable tentative, mais il l’a révélée au grand jour. Eh bien, après les calendes de janvier, nous n’aurons pour juge ni M. Césonius, ni Q. Manlius, ni Q. Cornificius, deux des juges les plus sévères et les plus intègres, parce qu’ils seront alors tribuns du peuple. P. Sulpicius, juge austère et incorruptible, est obligé d’entrer en charge aux nones de décembre ; M. Crépéréius, de cette famille de chevaliers si rigide et de mœurs si rigoureuses ; L. Cassius, d’une famille si grave en toutes choses, mais surtout dans les jugements ; Cn. Trémellius, homme d’une conscience, d’une exactitude scrupuleuses : ces trois hommes des anciens temps sont désignés pour le tribunat militaire : à compter des calendes de janvier, ils ne jugeront plus. Nous aurons encore à demander au sort un remplaçant de M. Mé-