dence. Je vous en avertis, je vous le déclare et j’en suis moi-même convaincu : une providence divine vous offre en ce moment l’occasion la plus favorable d’arracher votre ordre tout entier à la haine, à l’envie, à l’infamie et au déshonneur. On croit que la justice n’a plus ni sévérité ni conscience, enfin qu’il n’y a plus de justice. Aussi sommes-nous méprisés, décriés par le peuple romain ; l’ignominie nous poursuit et s’attache à nous. Nulle autre raison, en effet, n’a porté le peuple romain à redemander avec tant d’ardeur le rétablissement de la puissance tribunitienne : à s’en tenir aux paroles, il semblait réclamer les droits de ses magistrats ; mais en réalité il voulait une bonne administration de la justice. C’est ce qui n’a point échappé à Q. Catulus, un des citoyens les plus sages et les plus considérables, lorsque, invité à exprimer son avis sur le rapport de Pompée, cet illustre et vaillant personnage, touchant la puissance tribunitienne, il commença par ces paroles d’une autorité toute puissante : « Que les membres du sénat s’acquittaient mal et peu honorablement de leurs fonctions de juges ; et que s’ils avaient voulu, dans l’administration de la justice, satisfaire l’opinion du peuple romain, on n’aurait pas regretté si vivement l’autorité des tribuns. » Enfin, lorsque Cn. Pompée lui-même, consul désigné, tint hors des murs la première assemblée, et qu’il eut déclaré qu’il rétablirait leur pouvoir, déclaration si impatiemment attendue, ses paroles furent accueillies par un bruit et par un murmure de reconnaissance. Mais lorsqu’il eut ajouté : « Que les provinces étaient en proie au pillage et aux vexations ; qu’on n’avait pas honte de vendre la justice, et qu’il voulait pourvoir et remédier à ces désordres, » alors ce ne fut plus par un murmure d’approbation, mais par les plus vives acclamations que le peuple romain manifesta sa volonté.
XVI. Mais maintenant tous les citoyens sont dans l’attente ; ils veulent voir comment chacun de nous se montrera fidèle à la religion du serment et au maintien des lois. Ils ont remarqué que, depuis la loi tribunitienne, un seul sénateur, et un des plus pauvres, a été condamné. Ils ne s’en plaignent pas ; toutefois on ne peut dire qu’ils aient à s’en louer ; car il n’y a nulle gloire à rester intègre, quand il ne se trouve personne qui puisse ou qui veuille vous corrompre. Ici, vous jugerez l’accusé, mais vous serez jugés vous-mêmes par le peuple romain, et votre décision sur cet homme montrera s’il est vrai qu’avec des sénateurs pour juges, un accusé riche et coupable puisse être condamné. Ajoutez que les crimes de l’accusé sont aussi grands que ses trésors sont immenses ; en sorte que s’il est acquitté, on ne pourra l’attribuer à d’autres causes que celles qui vous couvriraient de honte ; on ne se persuadera pas que, ni crédit, ni parenté, ni bonne conduite dans d’autres occasions, ni même quelque moyen illicite mais excusable, aient diminué la honte de tant de vices et de tant de forfaits. Enfin, juges, je plaiderai cette cause de telle manière, je produirai de tels faits, des faits si notoires, si bien prouvés, si imposants, si manifestes, que personne ne tentera d’interposer son crédit pour vous faire absoudre Verrès. J’ai adopté un plan et choisi une route infaillibles pour suivre pas à pas et pour dévoiler toutes leurs tentatives. Je conduirai l’affaire de telle sorte que le peuple romain croira non seulement entendre de ses oreilles tous leurs complots, mais les voir de