Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/131

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que les crimes dont les Samiens demandaient justice n’avaient pas été commis par lui, mais par Verrès. Quels tableaux, quelles statues il a enlevés de cette île ? je les ai vus, dans ses palais, lorsque je m’y rendis naguères pour y mettre le scellé. Et maintenant, Verrès, ces statues, où sont-elles ? Je parle de celles que nous avons vues placées devant toutes les colonnes, et même dans les entre-colonnements, distribuées dans le parc, dans les jardins. Pourquoi donc y sont-elles restées tant que vous avez cru pouvoir compter sur un autre préteur et sur les juges que vous espériez vous choisir à la place de ceux-ci ? Pourquoi, depuis que vous nous avez vus nous servir de nos témoins, plutôt que d’attendre l’heure qui pouvait être favorable, n’en avez-vous laissé aucune chez vous, excepté deux, qui elles-mêmes venaient de Samos ? Vous n’avez donc pas songé que j’invoquerais ici le témoignage de vos meilleurs amis ; de ceux qui se trouvaient le plus souvent chez vous ; et que je leur demanderais s’ils n’y ont pas vu des statues qu’on a fait disparaître ? Quel jugement attendiez-vous de ce tribunal qui voit que déjà vous ne vous défendez plus contre votre accusateur, mais contre le questeur de Rome et les enchérisseurs de vos biens ?

XX. On sait qu’il y a en Pamphylie une ville très ancienne et très célèbre, nommée Aspendus, remplie de chefs-d’œuvre de sculpture. Je ne dirai pas qu’il en fut enlevé telle et telle statue : je dis, Verrès, que vous n’en avez pas laissé une seule. Toutes celles qui se trouvaient dans les temples ou dans les lieux publics ont été emportées sur des chariots, à la vue de tout le monde.Il a enlevé même ce fameux cithariste d’Aspendus dont vous avez souvent entendu parler et qui joue à la sourdine, comme dit certain proverbe grec. Eh bien, Verrès l’a placé dans la partie la plus secrète de sa maison, jaloux de paraître surpasser ce musicien, même dans l’art de jouer à la sourdine. Nous savons aussi que Perga possède un temple de Diane, très ancien et très révéré : vous avez pillé ce temple, Verrès, vous l’avez dépouillé ; et j’affirme que vous avez arraché et enlevé à Diane elle-même tout l’or dont elle était couverte. Impie ! Quelle est cette audace et cette démence ? Si, au lieu d’entrer dans les villes de nos alliés et de nos amis, avec les droits et le titre de lieutenant du peuple romain, vous les aviez envahies les armes à la main, ce n’est pas chez vous, ce n’est pas dans les maisons de plaisance de vos amis, c’est à Rome que vous eussiez transporté les statues et les ornements conquis par vous.

XXI. Que dirai-je de M. Marcellus, qui prit Syracuse, cette ville si magnifique ? de L. Scipion, qui fit la guerre en Asie, et vainquit Antiochus, ce roi si puissant ? de Flamininus, qui soumit le roi Philippe et la Macédoine ? de L. Paullus, qui triompha du roi Persée, à force de valeur et de vertu ? de L. Mummius, qui prit la ville la plus belle, la plus riche en objets d’art, Corinthe, cette magnifique cité qui réunit à l’empire et à la domination du peuple romain tant de villes d’Achaïe et de Béotie ? Les maisons de ces grands hommes, toutes brillantes de leur vertu et de leur gloire, n’avaient ni statues, ni tableaux. Mais la ville entière, les temples des dieux, toutes les parties