Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/140

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été cet autre temps ? à quelle époque avez-vous poursuivi ? Pourquoi avez-vous laissé perdre vos droits de lieutenant ? pourquoi avez-vous déserté ? pourquoi avez-vous trahi la cause du peuple romain ? pourquoi avez-vous négligé vos injures quand il s’y joignait des injures publiques ? Ne deviez-vous pas déférer cette cause au sénat ; lui demander justice de ces attentats ; faire citer devant lui par l’ordre des consuls les agitateurs du peuple ? M. Émilius Scaurus ayant écrit dernièrement qu’à Éphèse on l’avait empêché, lui questeur du peuple romain, d’emmener du temple de Diane son esclave qui s’y était réfugié, qu’on avait même usé de violence envers lui, Périclès, noble Éphésien, fut cité à Rome, à la requête du questeur, comme le principal auteur de cette injure. Si vous aviez instruit le sénat de ce qui s’était passé à Lampsaque, des violences qu’on vous avait faites ; si vous lui aviez écrit qu’au mépris de votre dignité, les habitants avaient tué votre licteur, blessé ceux qui l’accompagnaient, assiégé votre maison ; qu’ils vous avaient presque brûlé vif, et que les instigateurs, les chefs de cette rébellion étaient ceux que vous désignez dans votre lettre, Thémistagoras et Thessalus ; qui n’eût été indigné ? qui n’eût, en les punissant, pourvu à sa sûreté personnelle ? qui n’eût pas vu dans votre cause la cause de tous ? En effet, un lieutenant du peuple romain doit être assez respecté pour n’avoir rien à craindre, je ne dirai pas chez des alliés, mais même au milieu des ennemis.

XXXIV. Le crime dont vous vous êtes souillé à Lampsaque, par excès de débauche et d’impudeur, est bien grand ; mais apprenez un trait qui, dans son genre, ne lui cède en rien. Verrès demande aux citoyens de Milet un vaisseau pour l’escorter jusqu’à Mynde. Les Milésiens choisissent le plus beau brigantin de leur flotte, et le lui donnent tout armé, tout équipé. Il part pour Mynde avec cette escorte : car je ne dirai rien des laines qu’il a enlevées des magasins publics de Milet, ni des frais de réception à son arrivée, ni des injustices, ni des outrages qu’il fit éprouver au magistrat de cette ville, bien qu’on en puisse parler avec toute la force imaginable sans nuire à la vérité. Toutefois je n’en dirai rien, je le répète. Je veux laisser tous ces détails aux témoins. Mais écoutez ce fait, qu’il n’est pas possible de taire, quoiqu’on n’en puisse parler comme il convient. Il ordonne aux soldats et aux rameurs de s’en retourner à pied de Mynde à Milet : quant au vaisseau des Milésiens, le plus beau de leurs dix navires, il le vend à L. Magius et à L. Rabius, qui habitaient à Mynde. Ces deux hommes sont ceux que le sénat a déclarés naguère ennemis de la république ; c’est sur ce bâtiment qu’ils allaient et venaient chez tous nos ennemis depuis Dianium, qui est en Espagne, jusqu’à Sinope, qui fait partie du royaume de Pont. Dieux immortels ! peut-on croire à une telle avarice, et vit-on jamais une pareille audace ? quoi ! vous avez osé vendre un vaisseau de la flotte du peuple romain, un vaisseau que la cité de Milet vous avait donné pour vous conduire ! Si l’énormité du crime, si l’opinion publique ne vous ont pas effrayé, vous ne pensiez donc pas qu’un vol aussi effronté, qu’une piraterie aussi abominable seraient attestés par cette noble et illustre ville ? Et, parce que Cn. Dolabella voulut, sur votre prière, punir le commandant du brigantin qui avait rendu compte de tout aux Milésiens ; parce qu’il ordonna de faire disparaître ce rapport des registres de la ville où il était inscrit d’après les lois du pays, pensiez vous échapper à cette accusation ?