Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/142

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lait rendre ni comptes ni argent, de dire au moins quelle somme il avait rapportée des fonds de Malléolus ; il finit par répondre : un million ; puis au bas d’une page de son registre, à la dernière ligne, sur la rature même, preuve honteuse de sa mauvaise foi, il écrivit qu’il avait dépensé et remis à l’esclave Chrysogonus six cent mille sesterces, reçus au nom de son pupille Malléolus. Comment un million de sesterces se trouve-t-il réduit à six cent mille ? Comment six cent mille sesterces formaient-ils juste le montant de la succession, de telle manière que le reste de l’argent destiné à Cn. Carbon fût aussi de six cent mille sesterces ? Comment cette somme a-t-elle été délivrée à Chrysogonus ? Pourquoi le nom d’un esclave sur ce registre écrit à la dernière ligne, et sur une rature ? vous en jugerez. Il reconnaît avoir reçu six cent mille sesterces, et cependant il n’en a pas payé cinq mille. Quant aux esclaves, depuis qu’il est accusé, il a rendu les uns, et retient encore les autres, ainsi que leur pécule et leurs suppléants.

XXXVII. Telle est l’admirable tutelle de Verrès ! Voilà l’homme à qui vous pouvez confier vos enfants ; voilà comme on se souvient d’un ami après sa mort, et comme on respecte l’opinion des vivants ! Quoi ! l’Asie entière s’était livrée à vos vexations et à votre cupidité, toute la Pamphylie était ouverte à vos brigandages, et vous ne vous êtes pas contenté de si riches dépouilles ! Il vous a fallu encore porter la main sur les biens d’un pupille, du fils d’un ami ! Ce ne sont plus les Siciliens, ni les laboureurs, comme vous le dites sans cesse, qui viennent vos assaillir ; ce ne sont plus ceux que vos décrets et vos édits ontsoulevés contre vous ; c’est Malléolus que je vous cite ; c’est sa mère, son aïeule, qui, accablées de douleur, les larmes aux yeux, ont déclaré que vous aviez dépouillé cet enfant des biens de son père. Qu’attendez-vous donc ? que Malléolus sorte des enfers, et. réclame de vous les devoirs de la tutelle, de l’amitié, de la confraternité ? voyez-le paraître pour vous dire : « Monstre d’avarice, homme infâme, rends au fils d’un collègue les biens de son père, sinon ceux que tu as détournés, au moins ceux que tu as reconnus. Pourquoi réduis-tu le fils de ton ami à ne faire entendre pour la première fois qu’il parle en public que des gémissements et des cris de douleur ? Pourquoi forces-tu la veuve de cet ami, sa belle-mère, toute sa maison, à rendre témoignage contre toi ? Pourquoi forces-tu des femmes d’une si grande pudeur et d’un rang si élevé à paraître malgré elles, contre leur habitude, au milieu de tant d’hommes assemblés ? » Qu’on lise toutes leurs dépositions : Témoignage de la mère et de l’aïeule.

XXXVIII. Et comme proquesteur, quelles vexations n’a-t-il pas exercées sur la commune des Milyades ? combien n’a-t-il pas écrasé la Lycie, la Pamphylie, la Pisidie, et toute la Phrygie par ses réquisitions de blé, se faisant payer soit en nature soit en argent, d’après ce système d’évaluations qu’il imagina alors, et qu’il a si bien appliqué depuis en Sicile. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans tous ces détails. Sachez seulement que pour ces articles qui passaient par ses mains dans le temps où il obligeait les cités à lui fournir du blé, des cuirs, des sacs, des habits de matelots, ne prenant rien de tous ces objets dont il se faisait donner la valeur ; que pour ces seuls articles, dis-je, Cn. Dolabella fut condamné