Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/167

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on devait donner des juges siciliens ; de Siciliens, quand c’étaient des citoyens romains. Mais pour connaître de quelle manière il rendait la justice, voyez d’abord les droits des Siciliens, et ensuite ses ordonnances.

XIII. Voici le droit qui régit les Siciliens : Si deux citoyens de la même ville sont en procès, ils seront jugés suivant leurs lois ; si un Sicilien plaide contre un Sicilien qui ne soit pas de la même ville, le préteur, en vertu du décret de P. Rupilius, porté sur l’avis de dix députés, et appelé en Sicile loi Rupilia, tirera des juges au sort. Si un particulier fait une demande contre un peuple, ou un peuple contre un particulier, on choisira pour juge le sénat d’une autre cité, quand les sénats des deux villes intéressées auront été récusés. Si la demande est faite par un citoyen romain contre un Sicilien, on choisira pour juge un Sicilien ; et un Romain, si c’est un Sicilien qui attaque un citoyen romain : dans les autres affaires, on prend pour juges des citoyens romains établis dans le lieu même. Entre les laboureurs et les fermiers du dixième, c’est la loi Frumentaria, appelée loi d’Hiéron, qui règle les jugements. Tous ces droits ont été non seulement bouleversés sous la préture de Verrès, mais entièrement ravis aux Siciliens et aux citoyens romains. D’abord, quant à leurs lois : dans les procès de citoyen à citoyen, il nommait pour juge à son gré, son aruspice, son crieur, son médecin ; ou, si le jugement était réglé par les lois, si les parties avaient un de leurs concitoyens pour juge, ce juge n’était pas libre. Écoutez en effet l’édit de cet homme, édit par lequel il disposait de tous les jugements : Si quelqu’un juge mal, j’en prendrai connaissance, et je sévirai. Ce langage ne permettait à personne de douter qu’un juge, averti que sa décision serait soumise à un autre juge, et qu’il courrait lui-même les risques d’une accusation capitale, ne se conformât à la volonté de celui qui bientôt prononcerait sur son sort. Aussi ne choisissait-on aucun juge parmi les chevaliers ou les citoyens romains. Cette troupe de juges dont je parle se composait d’hommes, non pas de la cohorte d’un Q. Scévola, qui lui-même n’aurait jamais choisi parmi ceux de sa suite, mais des compagnons d’un C. Verrès ! Et quelle était, croyez-vous, cette cohorte sous un pareil chef ? Elle était comme son édit : Si un sénat juge mal, je… Car je vais faire voir que lorsqu’on choisissait un sénat pour juge, ses jugements n’étaient pas plus libres. Point de tirage au sort, selon la loi Rupilia, si ce n’est quand l’affaire n’intéressait pas ce préteur. Les jugements rendus d’après la loi d’Hiéron dans un grand nombre de contestations furent tous supprimés par son édit ; les citoyens, les chevaliers romains ne fournissaient plus de juges. Vous voyez quelle était sa puissance ; apprenez l’usage qu’il en a fait.

XIV. Héraclius est fils d’Hiéron et l’un des plus illustres citoyens de Syracuse. Il était le plus riche de ses compatriotes avant la préture de Verrès ; il en est maintenant le plus pauvre par la cupidité et les injustices de Verrès. Une succession d’au moins trois millions de sesterces