Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/168

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lui échut par le testament d’Héraclius, son proche parent ; Héraclius lui léguait encore une maison garnie d’une riche argenterie, de tapisseries précieuses, d’esclaves du plus haut prix ; et qui ne sait jusqu’où va pour ces sortes de choses la fureur de sa convoitise ? On ne parlait que de l’immense fortune léguée par Héraclius ; de ces meubles, de cette argenterie, de ces esclaves qui allaient lui appartenir. Verrès en est informé ; et, d’abord, il a recours à sa ruse favorite : il fait demander à Héraclius, pour les voir, des objets qu’il ne lui rendra pas. Deux Syracusains l’avertissent ensuite, Cléomène et Eschrion, ses amis ou plutôt ses alliés, car il a toujours traité leurs femmes comme la sienne. Vous verrez par la suite quel était leur crédit auprès du préteur, et le motif honteux de ce crédit. Tous deux, dis-je, l’avertissent ; c’était une excellente affaire ; tous les biens y abondaient : quant à Héraclius, il était déjà âgé, peu actif, n’ayant, à l’exception des Marcellus, aucun protecteur sur lequel il pût compter. Il lui était ordonné par le testament de placer des statues dans le Gymnase. Nous ferons en sorte, ajoutaient-ils, que les gymnasiarques se plaignent que les statues n’ont pas été placées et qu’ils réclament la succession, soutenant qu’elle doit leur être adjugée. L’expédient plut à Verrès : il prévoyait qu’une si riche succession étant contestée et revendiquée en justice, il était impossible qu’il n’en tirât pas quelque butin. Il approuve donc le conseil : il est d’avis qu’on agisse, ou plutôt qu’on surprenne, par une attaque soudaine, cet homme âgé qui n’entendait rien aux procès.

XV. On assigne Héraclius. Tout le monde est surpris d’une accusation aussi odieuse. De tous ceux qui connaissaient Verrès, les uns soupçonnaient qu’il avait jeté les yeux sur la succession ; les autres en étaient persuadés. Cependant vient le jour où, d’après le règlement et la loi Rupilia, il devait tirer au sort les causes qu’on avait à juger ; il était venu tout préparé : Héraclius lui représente qu’il n’est pas encore temps de lui donner des juges ; qu’aux termes de la loi Rupilia on ne peut lui en donner que trente jours après la sommation : or, les trente jours n’étaient pas écoulés. On attendait vers le même temps Q. Arrius, désigné pour successeur à Verrès. Héraclius espérait, s’il pouvait échapper ce jour-là, voir arriver le nouveau préteur avant l’époque d’un second tirage. Verrès ajourna toutes les causes jusqu’au jour où il pourrait choisir des juges pour celle d’Héraclius. Le jour venu, il annonce qu’il va tirer au sort, comme s’il en avait réellement l’intention. Héraclius, accompagné de ses avocats, vient le trouver ; il demande à soutenir sa cause contre les gymnasiarques, c’est-à-dire, contre le peuple de Syracuse, suivant les lois de sa patrie. Ses adversaires, de leur côté, demandent qu’on leur donne des juges pris dans les villes qui ressortissaient au tribunal de Syracuse ; ceux que Verrès voudra nommer. Héraclius persiste à demander qu’on lui donne des juges d’après la loi Rupilia ; qu’on respecte les règlements antérieurs, l’autorité du sénat, le droit de tous les Siciliens.

XVI. Qu’est-il besoin de vous prouver la partialité de cet homme dans l’administration de la justice ? Qui de vous n’a pas su de quelle manière