Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/196

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l’on comptait l’argent à Timarchide, cessez, je vous prie, quand vous êtes convaincu d’un vol si manifeste, de vous donner pour un homme épris de l’amour de la gloire et des monuments.

Mais ne convient-il pas de mettre des bornes à cet usage des statues ? Il le faut, c’est une mesure de nécessité. Voyez ce qui se passe à Syracuse, que je veux nommer de préférence. Elle a érigé une statue à Verrès, c’est un honneur ; et à son père, c’est feindre agréablement et avec profit la tendresse filiale ; et à son fils, cela est encore supportable, Syracuse ne haïssait pas cet enfant. Mais combien de fois et à combien de titres extorquerez-vous des statues aux Syracusains ? Vous en avez exigé pour le forum ; vous en avez commandé pour le sénat ; vous les avez contraints de payer pour les statues qui devaient être placées à Rome ; vous leur avez ordonné de contribuer, comme agriculteurs, à l’offrande commune de la Sicile ; ils l’ont fait. Lorsqu’une seule ville a contribué à tant de titres, que les autres villes ont agi de même, ce fait tout seul ne doit-il pas vous avertir qu’il faut mettre quelque borne à une telle passion ? Mais, s’il n’est aucune ville qui ait agi volontairement ; si toutes ont été contraintes par l’autorité, la crainte, la violence et les mauvais traitements, au nom des dieux immortels, est-il douteux que, dût-on décider qu’il est permis de recevoir de l’argent pour des statues, on ne décide en même temps qu’il n’est pas permis d’en prendre de force ? Ici j’appellerai en témoignage la Sicile entière, qui, d’une voix unanime, déclare que, sous le prétexte des statues, on a levé par force des sommes considérables. En effet, les députations des villes, parmi les requêtes communes, nées presque toutes de vos vexations, ont présenté celle-ci : qu’il ne leur fût pas permis de promettre des statues à aucun magistrat, avant qu’il fût sorti de la province.

LX. Quoiqu’il y ait eu tant de préteurs en Sicile ; que les Siciliens se soient adressés au sénat, tant de fois du temps de nos ancêtres, tant de fois de nos jours ; toutefois cette requête d’un nouveau genre, et sans exemple, a été provoquée par votre préture. Qu’y a-t-il en effet de plus nouveau et pour le fond et pour la forme ? Les autres points des mêmes requêtes concernant vos injustices sont nouveaux aussi ; néanmoins on ne les a pas présentés dans une forme nouvelle. Les Siciliens demandent avec instance aux sénateurs, qu’à l’avenir nos magistrats afferment les dîmes d’après la loi d’Hiéron. Le premier, vous les aviez affermées contrairement à cette loi ; mais du moins je comprends cette requête. Que les préteurs n’évaluent pas en argent le blé exigé pour leur maison : celle-ci qui a pour cause votre estimation de trois deniers —, c’est aussi la première fois qu’on la présente : mais la forme n’en est pas nouvelle. Qu’on n’admette pas d’accusation contre un absent : cette dernière est née du malheur de Sthénius et de votre tyrannie. Je ne recueillerai pas les autres : telles sont toutes les requêtes des Siciliens, qu’elles paraissent des chefs d’accusations rassemblés contre vous seul ; mais quoiqu’elles renferment toutes des injustices d’un genre nouveau, elles n’ont pourtant rien d’inusité dans