Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la forme. La requête relative aux statues doit paraître ridicule à quiconque n’en pénètre ni le fond ni l’esprit. Les Siciliens demandent, non qu’ils ne soient pas forcés d’accorder… Qu’est-ce à dire ? vous me demandez qu’il ne vous soit pas permis de faire ce qui dépend de vous. Demandez plutôt qu’on ne vous force pas de promettre ou d’exécuter malgré vous. Nous n’y gagnerions rien, disent-ils, parce que tous les préteurs nieront toujours qu’ils nous aient forcés. Voulez-vous nous protéger ? faites-nous cette violence. Défendez-nous absolument de promettre. De votre préture, Verrès, est né ce genre de requête. En y recourant, les Siciliens donnent à comprendre, ou plutôt ils déclarent ouvertement, que, s’ils ont contribué pour vos statues, c’est contraints par l’oppression, et tout à fait malgré eux. Mais, dussent-ils ne pas le dire, n’êtes-vous point forcé de le confesser ? Voyez et cherchez comment vous défendre. Vous ne pourrez pas échapper à cet aveu au sujet des statues.

LXI. On m’annonce que telle est la manière dont vos défenseurs, hommes d’esprit, ont conçu votre cause ; que telle est la manière dont vous les dressez et les instruisez : alors qu’un homme de cette province, digne de foi et honorable, rend contre vous un témoignage un peu pressant, comme l’ont fait sur beaucoup de points beaucoup de Siciliens de la première distinction ; vous dites aussitôt à vos habiles défenseurs : « Il est mon ennemi, parce qu’il est agriculteur. » L’intention de nos adversaires est sans doute de comprendre tous les agriculteurs dans cette catégorie, sous prétexte qu’ils sont venus avec des sentiments de haine contre l’accusé, lequel se serait montré un peu trop sévère au sujet des dîmes. Ainsi, Verrès, tous les agriculteurs sont vos ennemis, tous sont vos adversaires : il n’en est aucun qui ne désire votre perte. C’est assurément pour vous un présage très favorable qu’une classe si honnête et si probe, le principal soutien de la république, et surtout de cette province, se déclare contre vous. Mais soit : nous nous occuperons ailleurs des sentiments des agriculteurs et de vos injustices ; je m’en tiens à ce moment à ce que vous m’accordez vous-même, qu’ils sont vos ennemis déclarés, et, selon vous, à cause des dîmes. Je t’accorde, je n’examine pas si c’est à tort ou à raison. Que veulent dire alors, près du temple de Vulcain, ces statues équestres dorées, qui blessent les yeux et la raison du peuple romain ? Car j’y vois cette inscription : Une de ces statues a été donnée par les agriculteurs. S’ils vous l’ont érigée par honneur, ils ne sont pas vos ennemis : croyons-en leurs témoins : alors ils consultaient votre gloire ; à présent, ils écoutent leur religion. Si, au contraire, ils vous l’ont donnée par crainte, force vous est de convenir que, dans votre province, sous prétexte de statues, vous avez extorqué de l’argent par terreur et par violence : lequel vous est le plus favorable, choisissez.

LXII. Pour moi, j’abandonnerai volontiers dès à présent cette accusation des statues, pourvu que vous m’accordiez ce qu’il y a pour vous de plus honorable, que les agriculteurs ont, de leur plein gré, contribué par honneur à votre statue. Accordez-moi ce point, et vous vous ôterez une grande partie de votre défense ; car vous ne pourrez plus dire que les agriculteurs sont animés contre vous, qu’ils sont vos ennemis. Quelle