mes propos, je dis encore d’affecter cette arrogance et cette effronterie, qui se peignent dans ses yeux et dans tous les traits de son visage. Je vois sans peine, Romains, qu’une vie que j’aimais déjà par goût et pour elle-même, me sera désormais indispensable par la loi que je m’en fais en ce jour.
III. Vous me demandez souvent, Hortensius, quelle inimitié avec Verrès, ou quelle injure de sa part, m’ont engagé à l’accuser. Je ne parle pas du devoir que m’imposent mes liaisons intimes avec les Siciliens ; je ne réponds qu’à la question de l’inimitié. Croyez-vous donc qu’il y ait une inimitié plus vive que celle qui naît de l’opposition des sentiments, de la différence des goûts et des inclinations ? Peut-on regarder la bonne foi comme ce qu’il y a de plus sacré de la vie, et n’être pas ennemi d’un homme qui, nommé questeur, a osé dépouiller, abandonner, trahir, attaquer son consul, un consul qui lui avait communiqué ses secrets, livré sa caisse, confié tous ses intérêts ? Peut-on chérir la pudeur et la chasteté, et voir d’un œil tranquille les continuels adultères de Verres, son immoralité, ses prostitutions, ses infamies domestiques ? Peut-on être attaché au culte des dieux immortels, et ne pas détester un brigand sacrilège qui a dépouillé tous les temples, qui a eu le front de voler jusque sur la route des chars sacrés ? Celui qui croit que tous les hommes doivent être soumis à une justice égale, peut-il, Verrès, ne pas vous haïr profondément, lorsqu’il songe aux variations et aux caprices de vos ordonnances ? Celui qu’affligent les outrages faits aux alliés, les dommages causés aux provinces, peut-il voir, sans s’indigner contre vous, le pillage de l’Asie, les vexations exercées dans la Pamphylie, le deuil et les larmes de la Sicile ? Celui qui veut que les droits et la liberté des citoyens romains soient regardés partout comme inviolables, ne doit-il pas être plus que votre ennemi, lorsqu’il se représente les fouets, les haches, les croix dressées pour le supplice des citoyens romains ? Quoi ! si, dans quelque occasion, Verrès avait prononcé injustement contre mes intérêts, je me croirais fondé à être son ennemi ; et lorsqu’il attente aux biens, aux intérêts, à la fortune, au bonheur, à la liberté de tous les gens de bien, vous me demandez, Hortensius, pourquoi je suis l’ennemi d’un homme qu’abhorre le peuple romain, moi surtout qui, pour obéir à la volonté du peuple romain, ai cru devoir accepter, bien qu’il soit au-dessus de mes forces, un si grave ministère ?
IV. Et ces autres considérations, peu importantes à ce qu’elles paraissent, ne sont-elles pas propres à faire impression sur notre esprit ? Eh quoi ! Hortensius, les vices et les crimes de Verrès obtiennent plus facilement votre amitié et celle des autres nobles que la vertu et l’intégrité de chacun de nous ? Vous ne pouvez souffrir le mérite des hommes nouveaux ; vous dédaignez leur régularité ; vous méprisez leur sagesse ; vous voudriez éteindre leurs talents, étouffer leurs vertus. Vous aimez Verrès. Oui, je le crois ; à défaut de vertu, de mérite, d’innocence, de pudeur, de chasteté, vous trouvez des charmes dans son entretien, dans sa politesse, dans ses connaissances. Non, il n’en est rien. Tout n’offre, au contraire, dans Verrès, que le comble de l’opprobre et de l’infamie, joint à l’excès de la grossièreté et de la sottise. Si quelque maison s’ouvre devant un tel homme, ne parait-elle pas s’ouvrir pour de-