Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/250

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sier, ou même celui que vous regardiez comme un excellent juge, comme le Cassius de votre tribunal, celui que vous choisissiez dans les affaires un peu graves, Papirius Potamo, homme austère, formé à l’école antique de nos chevaliers. Scandilius demande des commissaires parmi les citoyens romains établis à Syracuse. Verrès dit qu’il ne s’en remettra qu’aux officiers de son tribunal pour ce qui regarde sa réputation. Les commerçants croiraient se déshonorer s’ils récusaient les juges du lieu on ils commercent ; un préteur récuse toute sa province. O effronterie sans exemple ! il prétend être absous à Rome, lui qui a jugé que, dans sa province même, il n’était pas possible de l’absoudre ! Croit-il que l’argent fasse plus sur des sénateurs distingués que la crainte sur trois commerçants ? Scandilius proteste qu’il ne dira pas un mot devant le commissaire Artémidore ; et cependant, Verrès, il vous fait les propositions les plus avantageuses, des propositions de nature à être reçues avec empressement. Si vous êtes persuadé que, dans toute la Sicile, on ne saurait trouver aucun juge ou commissaire convenable, il vous demande de renvoyer l’affaire à Rome. À ces mots, vous vous écriez qu’il y avait de la méchanceté à Scandilius de demander qu’on vous jugeât sur votre réputation dans un lieu où il voyait qu’on était prévenu contre vous. Vous refusez de renvoyer l’affaire à Rome ; vous refusez de donner des commissaires parmi les citoyens romains établis à Syracuse ; vous proposez vos satellites. Scandilius finit par dire qu’il se désistera de son accusation, et reviendra dans un autre temps. Quel parti prenez-vous alors ? que faites-vous ? vous obligez Scandilius : à quoi ? à tenir le défi qu’il avait porté ? Non, vous éludez avec impudence le jugement si attendu qui doit décider de votre honneur. Que faites-vous donc ? autorisez-vous Apronius à choisir parmi vos satellites les commissaires qu’il voudra ? Ce serait une indignité de permettre à une des parties de prendre des juges parmi des gens iniques, plutôt qu’à toutes les deux d’en choisir parmi des hommes équitables. Vous ne faites ni l’un ni l’autre. Que décidez-vous donc ? Voici une plus grande iniquité. Il oblige Scandilius à donner et à compter les cinq mille sesterces[1] à Apronius. Que pouvait faire de plus subtil un préteur jaloux d’une bonne renommée, qui voulait se purger de tout soupçon, se soustraire à l’infamie ?

LXI. On parlait mal de Verrès, sa conduite était blâmée, décriée ; un méchant, un scélérat, Apronius, avait publié que le préteur était son associé ; on l’avait attaqué juridiquement sur ce propos qu’il s’était permis : le préteur, pur et intègre, pouvait, par la punition d’Apronius, se décharger du soupçon le plus odieux. Quelle peine, quel châtiment imagine-t-il contre Apronius ? il oblige Scandilius à lui compter cinq mille sesterces pour récompense de sa perversité inouïe, de son audace à publier partout une association criminelle. Ô le plus effronté des hommes ! rendre ce jugement, n’était-ce pas avouer, publier vous-même contre vous-même ce que publiait Apronius ? Un homme que vous n’auriez pas dû renvoyer sans punition, si vous eussiez eu la moindre pudeur ou plutôt la moindre prudence, vous n’avez pas voulu qu’il se retirât de votre tribunal sans un salaire. Par le seul fait de Scandilius,

  1. 625 liv. A.