Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/253

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sonnes de la même distinction, a voulu ajouter, non pas mille, non pas deux mille, non pas trois mille, mais trente mille boisseaux aux dîmes du territoire de Léontini, aux dîmes uniques d’un seul territoire, et que vous ne leur avez point permis de prendre le bail, de peur de l’enlever à Apronius. Ou vous avez résolu de tout nier, ou vous ne nierez pas ce fait. La chose s’est passée publiquement, au milieu d’une grande assemblée à Syracuse : toute la province en est témoin, parce qu’on vient de tous côtés pour l’adjudication des dîmes. Si vous convenez de ce fait, ou si vous en êtes convaincu, voyez que de griefs contre vous, et de griefs accablants ! D’abord il est prouvé que l’adjudication vous regardait, qu’elle était à votre profit : autrement, pourquoi vouliez-vous qu’Apronius eût les dîmes du territoire de Léontini préférablement à Minucius ; Apronius, dis-je, nommé par tout le monde votre agent pour les dîmes ? Il est prouvé ensuite que vous avez fait un immense profit : car si trente mille boisseaux ne vous eussent point donné l’espérance d’une plus belle proie, Minucius eût sans doute pu donner ce bénéfice à Apronius, s’il eût voulu le recevoir. Sur quel butin ne comptait donc pas Verrès, puisqu’il a méprisé et dédaigné un bénéfice actuel si considérable, et qui ne lui coûtait aucune peine ? Ajoutez que Minucius lui-même n’eût jamais voulu prendre les dîmes portées aussi haut, si vous les aviez adjugées d’après la loi d’Hiéron ; il n’a été si loin que parce qu’il espérait tirer plus que les dîmes en vertu de vos nouveaux édits et de vos iniques jugements. Mais vous avez toujours permis à Apronius beaucoup plus que ne permettaient déjà vos édits mêmes. Quels devaient donc être les gains de celui qui avait droit de tout faire, puisqu’un autre qui n’eût pas eu le même droit, s’il eût été l’adjudicataire des dîmes, proposait un tel bénéfice ? Enfin, vous vous êtes certainement enlevé cette défense qui devait, selon vous, couvrir toutes vos malversations, toutes vos rapines ; vous ne pouvez plus dire : J’ai haussé l’adjudication ; j’ai travaillé pour le peuple de Rome ; j’ai pourvu à sa subsistance. On ne peut tenir ce langage, quand on ne peut nier qu’on ait adjugé les dîmes d’un seul territoire pour trente mille boisseaux de moins qu’on aurait pu les adjuger. Ainsi, quand même je vous accorderais que vous n’avez pas donné les dîmes à Minucius, parce que vous les aviez déjà adjugées à Apronius, car on prétend que c’est là ce que vous alléguez, et moi, j’attends, je désire, je souhaite que ce soit là votre défense ; quand cela serait, vous ne pouvez vous faire un mérite d’avoir haussé l’adjudication des dîmes, puisque vous convenez que d’autres voulaient la porter beaucoup plus haut.

LXV. Voilà donc, Romains, voilà l’avarice d’un infâme déprédateur, sa cupidité, sa perversité, son audace, démontrées, et démontrées jusqu’à l’évidence. Mais si je ne dis rien que ses amis et ses défenseurs n’aient déclaré eux-mêmes, que voulez-vous de plus ? À l’arrivée de L. Metellus en Sicile, Verrès, avec son remède universel, s’était fait des amis de tous les officiers de ce préteur : on s’adressa à Métellus ; Apronius fut cité à son tribunal. Il l’était par le sénateur C. Gallius, personnage distingué, qui demanda à L. Métellus de lui donner action contre Apronius en vertu de son édit, et de lui permettre de le poursuivre COMME AYANT ENLEVÉ LES BIENS À LEURS POSSESSEURS, DE FORCE ET PAR LA