Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/371

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les nôtres. Pourquoi donc ménager des hommes qui, dans le fond de leur cœur, sont nos ennemis et nos envieux, avant même que nous leur ayons donné le droit de se plaindre de nous ?

Aussi mon premier vœu, citoyens, est-il de pouvoir renoncer pour jamais aux fonctions d’accusateur, aussitôt que j’aurai satisfait au peuple romain, et rempli les engagements que l’amitié m’imposait envers les Siciliens. Mais si l’événement trompe l’opinion que j’ai de vous, j’y suis déterminé : je poursuivrai, non seulement les juges qui se seront laissé corrompre, mais quiconque aura pris part à la corruption. Si donc il est des hommes qui veuillent employer aujourd’hui le crédit, l’audace ou l’intrigue pour corrompre les juges, qu’ils soient prêts à répondre devant le peuple romain, qui prononcera sur les coupables ; et si je n’ai pas manqué d’ardeur, de fermeté, de persévérance contre cet accusé dont je ne suis l’ennemi que parce qu’il est l’ennemi des Siciliens, qu’ils s’attendent à trouver en moi bien plus de chaleur encore et d’énergie contre ceux dont j’aurai bravé la haine pour l’intérêt du peuple romain.

LXXII. C’est vous maintenant que j’implore, ô souverain des immortels, Jupiter, que Verrès a frustré d’une offrande royale, digne du plus beau de tous vos temples, digne du Capitole, le chef-lieu des nations, inestimable don, préparé pour vous par des rois, et solennellement promis à vos autels, mais arraché des mains d’un roi par un attentat sacrilège ; vous, dont il a enlevé de Syracuse la statue la plus belle et la plus révérée : et vous, Junon, reine des dieux, de qui deux temples antiques et vénérables, érigés dans deux villes de nos alliés, à Malte et à Samos, ont été, par un crime semblable, dépouillés de leurs offrandes et de tous leurs ornements : Minerve, qu’il a outragée par le pillage de vos temples, en prenant dans celui d’Athènes une quantité d’or immense, et ne laissant dans celui de Syracuse que le faîte et les murailles.

Latone, Apollon, Diane, dont Verrès, par une irruption nocturne, osa dépouiller à Délos, je ne dirai pas le temple, mais, suivant les opinions religieuses des peuples, la résidence antique, le domicile même de votre divinité : vous encore une fois, Apollon, dont il a ravi la statue à Chio : et vous, Diane qu’il a dépouillée à Perga, et dont il a fait enlever le divin simulacre qui vous fut deux fois dédié chez les Ségestains, d’abord par la piété des habitants, ensuite par la victoire du grand Scipion : et vous, Mercure, que Verrès a transporté dans une de ses campagnes et dans une palestre privée, et que Scipion avait placé dans une ville de nos alliés, dans le gymnase des Tyndaritains, pour protéger et surveiller les exercices de leur jeunesse.

Hercule, que ce brigand, au milieu de la nuit, à l’aide d’esclaves armés, essaya d’enlever d’Agrigente : mère des dieux, dont il a tellement dévasté le temple où les Enguiniens vous adoraient, qu’il n’y reste plus que le nom de Scipion et les traces des profanations, et que les