Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/427

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core le discours de celui de nos citoyens qui eut peut-être, suivant moi, le plus de génie et d’éloquence, de C. Gracchus, discours dans lequel il reproche à L. Pison beaucoup d’actions basses et ignobles. Mais quel homme que ce Pison ! Un homme qui avait tant de vertu et d’intégrité que, même dans ces heureux temps où l’on ne pouvait rencontrer un citoyen pervers, lui seul fut nommé l’homme de bien. Gracchus ayant ordonné qu’on fit paraître Pison dans l’assemblée du peuple, et l’appariteur demandant quel Pison, parce qu’il yen avait plusieurs : Tu me forces, dit-il, d’appeler mon ennemi l’homme de bien. Un citoyen que son ennemi même ne pouvait désigner qu’en faisant son éloge, dont un seul et même surnom annonçait à la fois et la personne et le caractère, était obligé néanmoins d’entendre un accusateur lui reprocher faussement, il est vrai, et injustement, de honteux désordres. Ici, je le répète, durant le cours de deux actions, on n’a rien imputé à Fontéius qui puisse imprimer sur lui la moindre tache d’infamie, d’arrogance, de cruauté, d’audace. Les adversaires n’ont rapporté aucune action de sa part, ni même aucune parole répréhensible. S’ils avaient autant d’assurance pour débiter le mensonge, autant de génie pour l’inventer, qu’ils ont d’ardeur pour perdre Fontéius, ou de hardiesse pour le calomnier, il lui faudrait aujourd’hui s’entendre accabler d’outrages et subir le sort des grands personnages dont je parlais tout à l’heure.

XVII. Vous voyez donc, juges, un homme de bien, oui, un homme de bien, un homme sage et modéré dans toutes les circonstances de sa vie, plein d’honneur, plein du sentiment de ses devoirs, plein de piété, vous le voyez en votre pouvoir et confié à votre équité. C’est donc à vous de considérer s’il est plus juste qu’un homme aussi estimable, aussi rempli de vertu, aussi bon citoyen, soit livré à de cruels ennemis, à des nations féroces, ou rendu à ses amis ; surtout lorsqu’il est tant de motifs qui sollicitent auprès de vous en faveur de son innocence : d’abord, la noblesse de sa famille, qui tire son origine de la célèbre ville municipale de Tusculum, et dont de glorieux monuments attestent les services et l’antiquité ; ensuite, toutes les prétures que ses ancêtres ont obtenues sans interruption, et sur lesquelles ils ont jeté le plus grand éclat par leurs autres vertus autant que par leur désintéressement ; de plus, la mémoire récente de son père, dont le sang est une tache indélébile non seulement pour les habitants d’Asculum, qui l’ont répandu, mais pour toute la guerre Sociale ; enfin, la personne même de Fontéius, qui, guidé par l’honneur et la probité dans toutes les carrières qu’il a parcourues, s’est encore distingué dans l’art militaire par sa haute prudence et son grand courage, et que son expérience, souvent exercée, place au premier rang de nos hommes de guerre.

XVIII. Si donc j’avais à vous donner des conseils dont vous n’avez pas besoin, et que mon opinion pût être auprès de vous d’un grand poids, je vous dirais qu’il importe de conserver à la pa-