Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trie des hommes dont nous avons éprouvé, dans les combats, la bravoure, la science et le bonheur. Il fut un temps où la république était plus riche en grands capitaines ; et cependant alors on craignait de les perdre, on se plaisait à les honorer. Que devez-vous faire aujourd’hui que la jeunesse a perdu le goût des armes, aujourd’hui que l’âge, les discordes civiles et les malheurs de la république nous ont enlevé nos plus grands hommes et nos meilleurs généraux ? que devez-vous faire, dis-je, au milieu de tant de guerres que la politique nous force d’entreprendre, ou que des conjonctures imprévues font naître subitement ? Ne devez-vous pas, et conserver Fontéius pour les circonstances critiques, et allumer chez les autres l’ardeur du courage et de la gloire ? Rappelez-vous quels lieutenants accompagnaient dans la guerre Sociale L. Julius et P. Rutilius, L. Caton et Cn. Pompéius : nous avions alors dans nos armées un Cinna, un Cornutus, un Sylla, qui tous trois avaient été préteurs, et qui étaient d’excellents guerriers ; nous avions encore Marius, Didius, Catulus, Crassus ; tous instruits dans la science des armes, non par l’étude et par les livres, mais par des exploits et des victoires. Jetez maintenant les yeux sur le sénat, examinez de près toutes les parties de la république : ne prévoyez-vous aucune circonstance où l’on aurait besoin de pareils hommes ? où, s’il survenait quelque malheur, le peuple romain en trouverait-il beaucoup d’autres distingués ? Si vous y pensez bien, certes, vous aimerez mieux garder ici un homme infatigable dans les travaux de la guerre, intrépide dans les périls, formé à la conduite des troupes par l’expérience, sage dans les entreprises, heureux dans les hasards ; vous aimerez mieux le conserver pour vous, pour vos enfants, que de le livrer, en le condamnant, à des nations cruelles, ennemies déclarées du peuple romain.

XIX. Les Gaulois viennent, pour ainsi dire, enseignes déployées, attaquer Fontéius ; ils le poursuivent et le pressent avec une grande opiniâtreté, une grande audace. Mais n’avons-nous pas, juges, des secours assez puissants et assez nombreux pour combattre sous vos auspices l’odieux et farouche acharnement de ces barbares ? Nous opposons d’abord à leurs attaques la Macédoine : cette province, fidèle amie de notre empire, déclare que la prudence et la valeur de Fontéius l’ont garantie tout entière de l’irruption des Thraces, de toutes les horreurs du pillage ; et elle vient maintenant par reconnaissance défendre son libérateur contre les assauts et les menaces des Gaulois. D’un autre côté s’élève pour notre défense l’Espagne ultérieure, dont la foi inviolable peut résister sans peine aux fougueux caprices de ce peuple, et dont les témoignages et les éloges sauront réprimer les parjures de ces perfides accusateurs. Bien plus, c’est dans la Gaule même que la défense trouve ses plus fidèles et ses plus considérables auxiliaires. Toute la ville de Marseille vient combattre pour l’innocence de l’infortuné que nous défendons : elle s’intéresse vivement à sa cause, et parce qu’elle est jalouse de se montrer reconnaissante, en sauvant celui qui l’a sauvée elle-même, et parce qu’elle croit que les dieux l’ont établie, par sa position, pour empêcher ces peuples de nuire à nos citoyens. La colonie de Narbonne combat avec la même ardeur pour le salut de Fontéius : délivrée dernièrement