Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/429

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d’un siége par son courage, elle n’en est que plus touchée de son infortune et de ses périls. Enfin, et comme le veulent les institutions de nos ancêtres pour toute guerre contre les Gaulois, tous les citoyens romains de cette province viennent au secours de Fontéius, sans que nul se permette d’alléguer des excuses ; fermiers publics, agriculteurs, commerçants en troupeaux, négociants de toute espèce, tous le défendent d’un concert et d’une voix unanimes.

XX. Si ce nombre formidable de défenseurs n’est regardé qu’avec mépris par Induciomare, chef des Allobroges et des autres Gaulois, viendra-t-il, même sous vos yeux, arracher Fontéius des bras d’une mère aussi respectable que malheureuse ? l’arrachera-t-il aux embrassements d’une vestale sa sœur, qui implore votre protection et celle du peuple romain ? Occupée depuis tant d’années à fléchir les dieux immortels pour vous et pour vos enfants, ne pourra-t-elle aujourd’hui vous fléchir pour elle-même et pour son frère ? Quelle ressource, quelle consolation restera-t-il à cette infortunée, si elle perd Fontéius ? Les autres femmes peuvent se donner elles-mêmes des soutiens, et trouver dans leur maison un compagnon fidèle de leur sort et de leurs destinées : mais une vestale peut-elle avoir un autre ami que son frère ? est-il un autre objet permis à sa tendresse ? Ne souffrez pas, juges, que désormais condamnée à gémir de votre arrêt, cette vierge aille tous les jours émouvoir de ses plaintes les autels de nos dieux et de la déesse Vesta ! Qu’il ne soit pas dit que ce feu éternel, entretenu par les soins religieux et les veilles de Fontéia, s’est éteint sous les larmes de votre prêtresse ! Une vestale vous tend ses mains suppliantes, ces mêmes mains qu’elle élève pour vous vers les dieux immortels : n’y aurait-il pas de l’orgueil et du danger à rejeter les supplications de celle dont les dieux ne pourraient dédaigner les prières sans qu’on vît bientôt la ruine de cet empire ?

Vous le voyez, juges ; le seul nom d’une mère et d’une sœur fait couler des larmes des yeux de Fontéius, de cet homme renommé pour son intrépidité. Lui dont le courage, à la guerre, n’a jamais chancelé, lui qui s’est souvent jeté tout armé au milieu des bataillons ennemis, lorsqu’il croyait, dans de tels périls, laisser aux siens les mêmes consolations que lui avait laissées son père, il est troublé maintenant et abattu ; il appréhende non seulement de ne pouvoir illustrer, de ne pouvoir secourir les siens, mais même de laisser à ces malheureux, avec un deuil amer, un déshonneur et une ignominie éternelle. Oh ! que votre sort eût été bien plus doux, Fontéius, si vous aviez été libre de succomber sous les armes des Gaulois plutôt que sous leurs parjures ! Alors, après que la vertu eût présidé à votre vie, la gloire eût accompagné votre mort : mais quelle serait aujourd’hui votre douleur d’être puni de vos victoires et de votre gouvernement, au gré de ceux même qui ont été vaincus par vos armes, ou qui ne vous ont obéi qu’à regret ! Juges, préservez de ce malheur un citoyen courageux et innocent ; faites voir que vous avez ajouté plus de foi au témoignage de nos concitoyens qu’à celui de ces étrangers ; que vous avez eu plus d’égard au salut des citoyens qu’à la passion de nos ennemis ;