Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nir en lui quatre choses : la science des armes, le courage, l’autorité et le bonheur. Or, qui sut jamais mieux, ou qui dut mieux savoir que Pompée le métier des armes, lui qui, à peine sorti de l’enfance et des premiers exercices de l’école, courut à l’armée de son père apprendre ce glorieux métier dans la plus sanglante de nos guerres, en face des ennemis les plus implacables ; qui fut ainsi, aux derniers jours de son enfance, soldat sous les ordres du plus grand de nos généraux, et qui bientôt après, général adolescent, commanda lui-même une armée nombreuse ; qui a livré plus de batailles à l’ennemi commun que tous n’ont eu de querelles avec des ennemis particuliers ; qui a fait plus de guerres que d’autres n’en ont lu, et conquis plus de provinces que d’autres n’ont souhaité d’en gouverner ; qui a passé toute sa jeunesse à se former au commandement, non par les leçons d’autrui, mais par son expérience personnelle ; non par des revers, mais par des victoires ; non par des années de service, mais par des triomphes ? Est-il une seule guerre dans laquelle la république n’ait fait l’épreuve de son talent ? Guerre civile, guerre d’Afrique, guerre transalpine, guerre d’Espagne, et guerre contre une ligue de nations et de villes belliqueuses ; guerre d’esclaves, guerre maritime, et tant d’autres guerres différentes et par leur nature et par le caractère des ennemis, soutenues par lui seul et terminées avec succès, attestent qu’il n’est aucun secret dans l’art militaire que puisse ignorer ce héros.

XI. Mais déjà, quelle éloquence pourrait s’élever au niveau des talents de Pompée ? Que dirait-on encore qui fût digne de lui, qui fût nouveau pour vous, qui fût inconnu à personne ? Car les talents d’un général ne sont pas seulement ceux que le vulgaire reconnaît pour tels, comme l’ardente application aux affaires, le courage dans le péril, l’activité dans les entreprises, la promptitude dans l’exécution, la prévoyance dans le conseil : ces qualités, il les possède à ce degré éminent que n’atteignirent jamais tous les autres généraux que nous avons vus, ou dont la réputation est venue jusqu’à nous. Témoin l’Italie, sauvée, de l’aveu même de Sylla, vainqueur lui-même par la valeur et l’assistance de Pompée ; témoin la Sicile, de toutes parts environnée de dangers, et qu’il délivra moins par la terreur de ses armes que par la rapidité de sa décision ; témoin l’Afrique inondée du sang de ces innombrables ennemis qui l’opprimaient ; témoin la Gaule à travers laquelle il ouvrit à nos légions un passage en Espagne sur les cadavres gaulois ; témoin l’Espagne, qui vit tant de fois mordre la poussière aux nombreuses armées qu’il avait vaincues ; témoin encore l’Italie qui, désolée par l’horrible et dangereuse guerre des esclaves, souhaitait avec ardeur que Pompée, alors absent, vint la secourir : et en effet, cette guerre affaiblie, épuisée, au seul bruit qu’il était attendu, tomba et s’éteignit dès qu’il fut arrivé : témoins tous les pays, toutes les nations, tous les peuples étrangers, toutes les mers ensemble, et dans chacune d’elles toutes les rades et tous les ports ; car, dans toute l’étendue des mers, et durant ces dernières années, quelle côte assez fortifiée pour être à l’abri des agressions des pirates, assez