Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/462

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dirai pas comment ils y vécurent, les festins, les débauches, les folles dépenses dont Oppianicus fut le témoin, et qu’il encourageait en y prenant part. Ce détail serait trop long, et je suis pressé d’arriver à autre chose. Connaissez la fin de cette hypocrite liaison. Le jeune homme avait passé la nuit dans la maison d’une femme, chez laquelle il resta encore toute la journée du lendemain. Pendant son absence, Avilius, comme on en était convenu, feint d’être malade et de vouloir faire son testament. Oppianicus lui amène des témoins qui ne connaissaient ni lui ni Asinius, le fait passer pour ce dernier, et après que le testament est signé et scellé sous ce faux nom, il se retire. Avilius est bientôt rétabli. Pour Asinius, en le conduisant au bout de quelque temps à une prétendue maison de campagne, on l’entraîne dans des sablonnières hors de la porte Esquiline, et on le tue. Après qu’on l’eut attendu vainement deux jours entiers, comme on ne le trouvait point dans les lieux qu’il avait coutume de fréquenter, et qu’Oppianicus disait publiquement, sur la place de Larinum, avoir scellé depuis peu avec ses amis le testament d’Asinius, les affranchis du jeune homme et quelques amis fidèles, instruits que le jour où il avait disparu, beaucoup de personnes l’avaient vu en la compagnie d’Avilius, se jettent sur ce traître, et l’amènent aux pieds de Q. Manilius, alors triumvir. Aussitôt, épouvanté par le remords d’un crime qu’aucun témoin ne dénonçait encore, Avilius expose les faits comme je viens de les rapporter, et avoue qu’il a tué Asinius à l’instigation d’Oppianicus. Oppianicus se cachait ; il est arraché de son asile par Manilius. On le met en présence de l’assassin, qui révèle tout. Qu’est-il besoin de vous dire le reste ? vous connaissiez presque tous Manilius. Étranger dès l’enfance aux premières idées d’honneur et de vertu, jamais il ne fut jaloux de l’estime publique ; c’était un misérable bouffon qui, surprenant à la faveur des discordes civiles les suffrages du peuple, était parvenu à siéger sur ce tribunal, où tant de fois l’indignation des citoyens l’avait traîné lui— même. Il transige avec Oppianicus ; il en reçoit de. l’argent, et abandonne la poursuite déjà commencée d’un crime avéré. Pendant le procès d’Oppianicus, ce meurtre fut attesté par de nombreux témoins et par les révélations d’Avilius, où figurait comme chef de tout le complot ce même Oppianicus, cette innocente et malheureuse victime d’une injuste condamnation.

XIV. Et votre aïeule Dinéa, dont vous êtes l’héritier, Caïus, n’est-ce pas évidemment votre père qui lui arracha la vie ? Comme il lui avait amené son médecin de confiance, déjà connu par de nombreux exploits, et qui avait prêté son ministère à bien d’autres assassinats, la malade s’écrie qu’elle ne veut pas être traitée par un homme à l’aide duquel Oppianicus a fait périr tous les siens. Tout à coup il s’adresse à un charlatan d’Ancône, nommé L. Clodius, que le hasard venait d’amener à Larinum, et fait marché avec lui pour quatre cents sesterces, comme l’ont prouvé ses propres registres. Clodius, qui était pressé, parce qu’il lui restait encore beaucoup d’endroits à parcourir, termine l’affaire dans une seule visite. Le premier breuvage met la femme au tombeau, et l’habile médecin ne reste pas un instant de plus à Larinum. Pendant que cette même Dinéa faisait son testament, Oppianicus, qui