Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/480

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et sans que sa décurie fût en exercice. Il fut accusé dans un temps un peu plus calme que Junius ; mais il fut accusé à peu près du même crime et aux termes de la même loi. Comme il n’y eut dans cette affaire ni sédition, ni violence, ni tumulte ; il fut très facilement absous dès la première action. Je ne compte pas cet arrêt. Car, en supposant que Falcula n’eût point mérité de payer l’amende, il pouvait cependant, aussi bien que Stalénus qui ne fut jamais accusé pour ce fait, avoir reçu de l’argent pour vendre son suffrage. Cette question ne regardait pas le tribunal où il fut cité. Que reprochait-on à Falcula ? d’avoir reçu de Cluentius quarante mille sesterces. De quel ordre était-il ? de celui des sénateurs. Accusé de concussion devant d’autres juges d’après la loi suivie à l’égard des sénateurs, il fut honorablement acquitté. La cause fut plaidée selon les formes antiques, sans que ni force, ni terreur, ni menaces vinssent troubler sa défense : tout fut exposé, développé, démontré. Les juges sentirent que l’accusé avait pu légitimement être condamné par un homme qui n’avait pas suivi tous les débats ; ils pensèrent même qu’on pouvait donner sa voix contre lui, sans rien connaître du procès que la condamnation de ses deux complices.

XXXVIII. Alors on vit même les cinq juges qui, prêtant l’oreille aux vagues propos d’une crédule ignorance, avaient opiné en faveur d’Oppianicus, cesser de se faire honneur de leur clémence. En effet, qu’on leur eût demandé s’ils avaient siégé dans l’affaire de Fabricius : Oui, eût été leur réponse. À la question si Fabricius était accusé d’autre chose que du projet d’empoisonnement formé contre Cluentius, ils auraient répondu : Non. Interrogés ensuite comment ils avaient voté : Contre lui, auraient-ils dit ; car il n’eut pas une voix pour lui. Aux mêmes questions faites à l’égard de Scamander, les réponses eussent été les mêmes. Il est vrai qu’une voix lui avait été favorable ; mais pas un n’eût voulu reconnaître cette voix unique pour la sienne. À qui donc serait-il plus facile de justifier son vote, de celui qui déclare avoir été d’accord avec lui-même et avec son premier jugement, ou de celui qui, doux et clément envers le chef du complot, avait été inflexible pour ses complices et ses auxiliaires ? je ne dois pas ici faire le procès à l’opinion des juges. Pour que de tels hommes fissent fléchir leurs principes, il fallut sans doute que de violents soupçons vinssent tout à coup s’emparer de leur esprit. Ainsi je ne condamne point l’indulgence de ceux qui prononcèrent en faveur de l’accusé. J’approuve la conduite ferme et conséquente de ceux qui, étrangers à l’intrigue de Stalénus, suivirent de leur propre mouvement l’autorité des deux premiers arrêts. Je loue la sagesse de ceux qui déclarèrent n’être pas suffisamment éclairés. Ne pouvant en aucune manière absoudre un homme qui leur paraissait le plus grand des coupables et que deux fois ils avaient condamné, mais effrayés en même temps des odieuses manœuvres dont la voix publique accusait quelques juges, ils voulurent attendre, pour le condamner de nouveau, que le temps eût éclairci ce mystère. Et ce n’est pas seulement par ce qu’ils ont fait que vous pouvez apprécier la sagesse de ces juges : leurs noms même suffisent pour garantir la sagesse et l’équité de leurs actes. Est-il un jurisconsulte plus habile, un homme d’un esprit plus pénétrant, d’une probité plus intègre, et d’une délicatesse plus scrupuleuse que P. Octavius Balbus ? Il n’a pas absous Oppianicus. Quel homme eut plus de caractère que Q. Considius ? qui sut mieux que lui quel esprit doit