Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/496

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cience et la loi commandent ; enfin, qu’il importe d’examiner sur quelle loi on fonde l’accusation, quelle personne on accuse, et de quoi on l’accuse. Voilà quelles réflexions doit faire le juge. Mais une âme grande et sage lui en inspirera d’autres encore : près de mettre dans l’urne la lettre fatale qui exprimera son vote, il ne se croira pas seul arbitre de sa décision et maître de prononcer au gré de sa volonté ; il prendra conseil de la loi, de la religion, de la bonne foi, de la justice ; il bannira loin de lui le caprice, la haine, l’envie, la crainte, et toutes les passions ; il respectera surtout sa conscience, cette conscience qui nous fut donnée par les dieux immortels pour être à jamais notre compagne inséparable, cette conscience qui nous promet une vie exempte d’alarmes et honorée de l’estime publique, si nous ne la rendons témoin que de nobles pensées et d’actions vertueuses. Si Attius avait connu ces vérités ou qu’il y eût réfléchi, il n’aurait pas même eu l’idée d’avancer ce qu’il a soutenu si longuement, qu’un juge peut décider ce que bon lui semble, et qu’il n’est pas enchaîné par les lois. Je m’arrête ; j’en ai déjà trop dit au gré de Cluentius, trop peu pour le haut intérêt de cette question, assez pour les juges éclairés qui m’entendent. Il reste un petit nombre de griefs qu’on a trouvé bon de forger parce qu’ils sont de votre compétence, et que les accusateurs mettent en avant pour ne pas se couvrir de honte à la face de la justice en ne lui apportant pour toute accusation que les cris de la haine.

LIX. Afin de vous prouver que la seule nécessité m’a contraint de m’étendre un peu sur les objets dont je vous ai entretenus jusqu’ici, écoutez le reste. Vous verrez que, dans les choses qui n’ont pas besoin d’une longue démonstration, je sais renfermer ma défense en peu de mots. On a prétendu que les esclaves de Cluentius s’étaient portés à des excès outrageants contre Cn. Décius le Samnite, proscrit et malheureux. Personne, au contraire, ne l’a traité plus généreusement que Cluentius. Ses richesses l’ont aidé à soutenir les rigueurs de la fortune. Décius ne l’ignore pas, et tous ses amis, tous ses parents le savent comme lui. — Les fermiers de Cluentius, dit-on encore, ont maltraité les bergers d’Ancarius et de Pacénus. — Une de ces querelles si communes entre bergers, s’étant élevée dans les pâturages, les fermiers de Cluentius défendirent les intérêts et les propriétés de leur maître. Des plaintes furent portées, les faits, éclaircis, et tout se termina sans procès ni contestation. — P. Elius a déshérité par testament un de ses proches parents, et a fait héritier Cluentius, étranger à sa famille. — Il l’a fait par reconnaissance pour Cluentius ; celui-ci n’a point assisté à la rédaction du testament, qui même a été scellé par Oppianicus, son ennemi. — Cluentius a refusé de payer un legs fait à Florius. — Non, juges, le testament portait trente mille sesterces., au lieu de trois cent mille qu’on demandait. La clause ne lui paraissant pas bien précise, il voulut que Florius lui tînt quelque compte de sa libéralité : il nia d’abord que la somme fût due ; ensuite il la paya sans difficulté. — Un certain Célius, Samnite, a été forcé, après la guerre, de lui redemander sa femme. — Il l’avait achetée de bonne foi comme esclave. Dès qu’il sut qu’elle était de condition libre, il la rendit, sans plaider, à Célius. — Un certain Ennius se plaint que Cluentius est détenteur de ses biens. — Cet Ennius est un plaideur de mauvaise foi, un misérable aux gages d’Oppianicus. Après s’être tenu tranquille pendant plusieurs années, il a enfin accusé de vol un esclave de Cluentius ;