Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/505

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dèrent la grâce d’un fils coupable à la tendresse de ses parents : vous, n’immolez pas, nous vous en conjurons, à la cruauté d’une mère, une vie dont jamais aucune tache n’altéra la pureté. Vous voyez une ville entière implorer votre justice. Oui, juges, c’est un fait incroyable, mais c’est un fait dont j’atteste la vérité : tous les habitants de Larinum, à qui l’âge et les forces n’ont pas interdit ce voyage, sont accourus à Rome, s’efforçant, par leur zèle généreux et leur imposante réunion, de conjurer l’orage qui gronde sur sa tête. La garde de cette ville, sachez encore ce fait, est confiée en ce moment aux enfants et aux femmes ; et, dans la paix profonde où repose l’Italie, cette garde domestique suffit à sa sûreté. Et toutefois, ces femmes même et ces enfants, non moins alarmés que leurs époux et leurs pères, dont vous voyez la douleur, attendent dans une continuelle anxiété le jugement que vous allez rendre. Ce n’est pas, à leurs yeux, sur l’existence d’un seul homme que vous allez prononcer : les destinées de leur ville tout entière, son honneur, tous ses intérêts sont attachés au sort de Cluentius. Rien n’égale en effet son dévouement sans bornes au bien général de ses compatriotes, sa bonté pour chacun d’eux, sa justice et sa bonne foi envers tous les hommes. Ajoutez le haut rang qu’il tient dans sa patrie, et cette illustration héréditaire, présent de ses aïeux, qui, avec leur sang, lui ont transmis leur sagesse, leur courage, leur générosité et leurs nobles sentiments. Aussi les termes dans lesquels la ville de Larinum fait son éloge attestent les alarmes autant que l’opinion de tous les habitants, et sont l’expression de leur douleur non moins que de leur estime. Pendant qu’on va lire cet acte solennel, levez-vous, je vous en prie, généreux amis qui l’avez présenté.

Juges, les larmes que vous voyez couler vous annoncent assez que les décurions n’ont pas écrit cet éloge sans en verser eux-mêmes. Et les villes voisines, quel attachement, quelle bienveillance incroyable, quel vif intérêt ne lui témoignent-elles pas ? Elles n’ont pas envoyé des décrets publics à sa louange ; mais elles ont voulu que les citoyens les plus distingués et les plus honorablement connus dans Rome se rendissent ici pour faire son éloge. Vous voyez devant vous les plus nobles citoyens de Férentum, et l’élite de la ville de Marruca ; vous voyez, accourus pour le louer, de Téanum et de Lucérie, des chevaliers romains de la première distinction. Les éloges les plus honorables ont été envoyés, et les personnages les plus éminents sont venus de Boviano et de tout le Samnium. Les plus riches négociants du pays de Larinum, les possesseurs des domaines et des pâturages, tous hommes environnés d’une juste considération, ressentent pour lui des alarmes et des inquiétudes qu’il est difficile d’exprimer. Oui, il est rare d’être chéri par l’ami le plus dévoué, comme Cluentius est chéri par cette multitude d’illustres citoyens.

LXX. Que je regrette de ne pas voir assister à ce jugement un homme d’un mérite et d’un nom aussi éclatant que L. Volusiénus ! Que je désirerais, en nommant devant vous P. Helvidius Rufus, l’honneur des chevaliers romains, le voir ici lui-même ! Au moment où, occupé jour et nuit du salut de Cluentius, il m’apprenait tous les détails de cette cause, une maladie grave et