Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/613

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vous vois professer pour cette science du droit, ne me permet pas de vous laisser dans l’erreur profonde qui vous fait attacher un si haut prix à je ne sais quelle étude qui vous a coûté tant de peines. Ce sont d’autres qualités, c’est votre modération, votre sagesse, votre justice, votre intégrité qui, à mes yeux, vous ont particulièrement rendu digne du consulat et des plus grands honneurs. Quant à l’étude que vous avez faite du droit civil, je ne dirai pas que vous ayez perdu votre peine, mais je dirai que ce n’est pas un puissant moyen pour arriver au consulat. En effet, les talents propres à nous concilier la faveur du peuple romain doivent réunir à la plus éclatante considération la plus réelle utilité.

Une haute considération entoure ceux qui ont en partage le mérite militaire ; ils sont regardés comme les défenseurs et les soutiens de nos conquêtes et de nos institutions. Leur utilité n’est pas moindre, puisque c’est leur sagesse et leur courage qui nous assurent le double bienfait de notre indépendance nationale, politique et civile. C’est encore un titre important et justement apprécié que ce talent de la parole qui influa souvent sur le choix d’un consul ; ce don de pouvoir, par une sage et persuasive éloquence, toucher les esprits du sénat, du peuple et des juges. On veut un consul dont la voix sache, quand il le faut, étouffer les clameurs des tribuns, calmer les mouvements populaires, résister aux séductions. Il n’est pas étonnant qu’un pareil mérite ait élevé au consulat des hommes sans naissance, puisqu’il donne à celui qui le possède de nombreux clients, des amis fidèles et des partisans dévoués. Votre profession, Sulpicius, ne présente aucun de ces avantages.

XI. D’abord, quel éclat peut-il y avoir dans une science aussi frivole, qui repose sur des recherches minutieuses et sur des distinctions de lettres et de mots ? En second lieu, si une pareille étude a pu jouir de quelque estime chez nos ancêtres, aujourd’hui que vos mystères sont révélés, elle est frappée de discrédit. Peu de personnes connaissaient autrefois les jours où il était permis d’agir en justice ; le tableau des jours fastes n’était pas alors publié. Les jurisconsultes étaient en grande considération, et on les consultait sur les jours, comme les Chaldéens. Il se rencontra un greffier, nommé Cn. Flavius, qui creva, comme on dit, les yeux aux corneilles, et qui, en publiant un tableau des fastes jour par jour, déroba toute leur science à nos subtils jurisconsultes. Ceux-ci, furieux et craignant que la publication et la connaissance de ces tables ne rendissent leur ministère inutile, imaginèrent certaines formules pour pouvoir se mêler dans toutes les affaires.

XII. Rien n’était plus simple que de procéder ainsi : La terre du pays des Sabins est à moi. – Non, elle m’appartient ; puis de juger. Ils ne l’ont pas voulu. La terre, disent-ils, qui est dans le pays nommé pays des Sabins. (Voilà déjà bien des mots ; voyons la suite.) Moi, je prétends qu’en vertu du droit Quiritaire, elle m’appartient. Et après ? En conséquence, je vous appelle sur le lieu même pour y débattre nos droits. L’adversaire ne savait que répondre à ce verbiage du demandeur. Alors le même jurisconsulte passe de son côté, comme un joueur de flûte latin. Je vous appelle à mon tour, dit-il, de l’endroit où nous sommes sur le champ où vous m’avez appelé. Le préteur cependant se serait cru trop de talent et d’esprit, s’il