Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/614

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avait pu faire lui-même la réponse ; et on lui a aussi composé une formule absurde d’ailleurs, et surtout dans ce qui suit : Devant vos témoins ici présents ; voici votre chemin, allez. Notre savant jurisconsulte était là pour leur montrer la route. Revenez, disait le juge. Et le même guide les ramenait. Je crois que nos vieux Romains, tout graves qu’ils étaient, trouvaient bien ridicule d’ordonner à des hommes de quitter la place où ils étaient, où ils devaient être, pour y revenir aussitôt. Tout le reste est empreint de la même extravagance : Puisque je vous aperçois devant le préteur ; et ceci encore : Revendiquez-vous pour la forme ? Tant que ces formules furent un mystère, il fallait bien s’adresser aux initiés ; mais une fois que la publicité et l’usage eurent permis de les voir de près, on les a trouvées aussi vides de sens que pleines de sottise et de mauvaise foi. Une foule de sages dispositions contenues dans nos lois ont été altérées et corrompues par la subtilité des jurisconsultes. Nos ancêtres avaient voulu que les femmes, à cause de la faiblesse de leur jugement, fussent toutes en puissance de tuteurs : les jurisconsultes ont inventé une espèce de tuteurs sous la dépendance des femmes. Nos aïeux ne voulaient pas que les sacrifices des familles tombassent en désuétude ; pour les anéantir, le génie des jurisconsultes a institué des ventes simulées avec des vieillards. En un mot, dans tout le droit civil ils ont négligé l’équité pour s’en tenir à la lettre ; à tel point que, pour avoir trouvé le nom de Caïa, cité comme exemple par un jurisconsulte, ils ont cru que le mariage par coemption donnait à toutes les femmes ce même nom de Caïa. Ce qui me surprend toujours, c’est que tant d’hommes ingénieux n’aient pu décider, depuis tant d’années, si l’on devait dire le troisième jour ou le surlendemain, le juge ou l’arbitre, l’affaire ou le procès.

XIII. Aussi, je le répète, on ne peut regarder comme un titre au consulat une science qui est toute de vaines formules et de subtilités menteuses. Elle donne moins de droits encore à la faveur publique. Car c’est une arme mise à la portée de tous, qui peut servir également à mon adversaire et à moi, et qui n’exige aucune reconnaissance. Aussi avez-vous perdu non-seulement l’espoir de placer utilement vos services, mais encore l’importance de cette formule autrefois si imposante Vous pouvez consulter. On ne peut se faire un mérite d’une science qui, les jours de fête, n’est d’aucun usage ni dans Rome ni hors de Rome. Peut-on passer pour habile dans une chose que tout le monde sait, et sur laquelle on ne peut digérer d’opinion. Personne ne peut trouver difficile une science renfermée dans un petit nombre de livres connus de tous. Oui, tout occupé que je suis, pour peu que vous me poussiez à bout, en trois jours je me ferai jurisconsulte. Car enfin, tout ce qui est de formule est écrit, et ces formules ne sont pas tellement précises que je ne puisse y faire entrer ce dont il s’agit. Quant aux consultations, il n’y a jamais grand risque à courir si vous répondez juste, vous aurez répondu comme Servius ; sinon, vous passerez pour un homme habile dans la connaissance du droit et de la controverse.

La gloire militaire n’est donc pas la seule qu’on