empressé de confier le soin de la terminer à Pompée, qui, de tous les combats qu’il a livrés, n’en a jamais soutenu un plus terrible et où la victoire ait été plus disputée que celui où il eut pour adversaire Mithridate en personne. Ce prince, échappé au désastre, s’enfuit vers le Bosphore, où notre armée ne pouvait pénétrer ; et dans sa fuite même et au comble de l’infortune, il conserva toujours le titre de roi. Aussi Pompée, après s’être emparé de son royaume, après l’avoir chassé de tous ses ports et de toutes ses retraites, regardait l’existence de cet ennemi comme si redoutable, que, malgré la victoire qui lui avait livré tous les États, toutes les conquêtes, toutes les espérances de Mithridate, il ne crut la guerre véritablement terminée que lorsque ce prince eut cessé de vivre. Et c’est là l’ennemi que vous méprisez, Caton, ce roi que tant de généraux ont combattu tant de fois et pendant tant d’années ; un roi qui, fugitif et dépouillé de tous ses États, inspirait encore tant de crainte, qu’on ne crut la guerre terminée qu’en apprenant sa mort. Oui, je soutiens que, dans cette guerre, Muréna s’est distingué comme un lieutenant du plus grand courage, d’une haute prudence, et d’une infatigable activité, et que de tels services lui ont donné au consulat des titres aussi honorables que nos fonctions civiles du forum.
XVII. Mais, dites-vous, lorsqu’ils briguaient tous deux la préture, Servius a été désigné le premier. Persisterez-vous à vouloir que le peuple soit engagé comme en vertu d’une obligation écrite, et que s’il a une fois assigné un rang à un candidat dans une élection, il soit tenu de le lui conserver dans les autres ? Quel détroit, quelle mer orageuse est sujette à des mouvements plus terribles, à des agitations plus violentes et plus variées, à des tempêtes plus fréquentes que celles des comices ? L’intervalle d’un jour, l’espace d’une nuit, suffisent souvent pour tout bouleverser, et quelquefois une légère rumeur vient, comme un vent subit, changer les dispositions de tout le peuple. Que dis-je ! Souvent une cause inconnue confond toutes les prévisions, et le peuple lui-même s’étonne du résultat, comme s’il n’était pas son ouvrage. Rien de plus incertain que la multitude, rien de plus impénétrable que la volonté des hommes, rien de plus trompeur que les élections. Qui aurait pensé que L. Philippus, malgré son talent, ses services, sa popularité et sa noblesse, serait vaincu par M. Hérennius ? Que Q. Catulus, ce modèle de douceur, de sagesse et d’intégrité, le serait par Cn. Manlius ? Que M. Scaurus enfin, personnage si considérable, citoyen si distingué, sénateur si courageux, ne l’emporterait pas sur Q. Maximus ? Non-seulement on n’avait pas cru qu’une seule de ces choses fût possible, mais, après l’événement, on n’a pu les expliquer. Souvent la tempête s’annonce dans le ciel par quelque indice certain ; mais souvent aussi elle éclate tout à coup, par une cause cachée, sans que rien ait signalé son approche ; ainsi dans les orages populaires des comices, s’il est permis quelquefois d’en découvrir la cause, souvent aussi elle est enveloppée d’une telle obscurité qu’il faut les attribuer au hasard.
XVIII. Cependant, s’il faut tout expliquer, il a manqué à Muréna pour obtenir la préture deux circonstances qui l’ont merveilleusement servi pour le consulat. D’abord le peuple attendait de