je ne parlerai que pour céder au désir de Muréna. Je répondrai d’abord à Postumius, que j’aime et que j’estime, sur les dépositions des distributeurs et les sommes qu’il dit avoir été surprises entre leurs mains ; ensuite à S. Sulpicius, jeune homme plein de talent et de vertu, sur les centuries de chevaliers ; enfin à Caton, qui brille de tous les genres de mérite, sur son rôle d’accusateur, sur le sénatus-consulte et l’intérêt public.
XXVII. Mais permettez-moi d’abord de vous exprimer les sentiments pénibles que vient d’exciter dans mon âme la situation de Muréna. Il m’est déjà souvent arrivé, juges, en considérant les malheurs des autres, mes propres soucis et mes travaux journaliers, de regarder comme heureux les hommes qui, dégagés du soin de l’ambition, coulent leurs jours dans un paisible repos ; mais aujourd’hui les périls si menaçants et si imprévus qui sont venus fondre sur Muréna, ont tellement navré mon cœur que je ne puis assez déplorer la destinée des hommes mêlés aux affaires publiques, et particulièrement le sort de cet infortuné citoyen. Les premiers efforts qu’il fait pour s’élever d’un seul degré au-dessus des honneurs dont sa famille et ses ancêtres ont joui sans interruption, le mettent en danger de perdre tout à la fois et le rang que ses pères lui ont transmis et celui qu’il ne doit qu’à lui-même. En un mot, le désir d’une gloire nouvelle a compromis son ancienne position. À ce malheur pénible se joint celui, plus cruel encore, d’avoir pour accusateurs des hommes qu’une inimitié particulière n’a point portés à l’accuser, mais qui sont entraînés vers la haine par le désir de réussir dans leur accusation. En effet, pour ne rien dire de Servius Sulpicius, qui est sans doute animé contre Muréna, moins par des griefs personnels que par une rivalité d’honneurs, quels sont ceux qui l’accusent ? Un ami de son père, Cn. Postumius, depuis longtemps, comme il le dit lui-même, son voisin et son ami, qui a donné bien des motifs de leur liaison sans en donner un seul de leur rupture ; Servius Sulpicius, le camarade de son fils, dont le talent ne devrait être employé qu’à défendre les amis de son père ; M. Caton enfin, qui, n’ayant aucun sujet d’inimitié contre Muréna, ne semblait être né à Rome et dans notre siècle que pour faire servir sa puissance et son génie à protéger même les citoyens qu’il connaît le moins, et jamais pour causer la perte, de personne, même d’un ennemi.
Je répondrai donc premièrement à Postumius qui, je ne sais comment, de candidat prétorien qu’il était, s’est fait accusateur d’un candidat consulaire, comme un voltigeur qui passerait d’un cheval sur un char. Si ses compétiteurs sont à l’abri de tout reproche, son désistement est un hommage qu’il rend à leur mérite ; si quelqu’un d’entre eux a répandu de l’argent, désirons avoir pour ami un homme capable d’oublier ses propres injures pour venger celles des autres.
Ici manquent les réponses faites à Postumius et au jeune Sulpicius.
J’arrive enfin à Caton, le plus ferme et le plus solide appui de l’accusation, mais qui, malgré la gravité de ses imputations et sa véhémence, me semble plus redoutable par son autorité que par ses preuves. En présence d’un tel adversaire, je vous supplierai d’abord, juges, de vous défendre de l’impression que pourraient faire sur vous, contre les intérêts de Muréna, le mérite de