Caton, les espérances qu’il fait naître comme tribun désigné, et l’éclat imposant d’une vie honorable. Enfin ne permettez pas que mon client ait seul à souffrir des vertus que Caton s’est données pour être utile à tous. P. Scipion l’Africain avait été deux fois consul ; il avait renversé Carthage et Numance, les deux terreurs de cet empire, quand il accusa L. Cotta. Il réunissait à un degré éminent l’éloquence, l’intégrité, la justice, et son autorité était égale à celle du peuple romain, qui lui devait la sienne. J’ai souvent entendu dire à nos anciens que ce qui avait le mieux servi L. Cotta, c’était le mérite signalé de son accusateur. La sagesse des juges qui eurent à prononcer dans cette affaire, ne voulut pas qu’un accusé pût paraître avoir succombé sous le puissant crédit de son adversaire. Et Serv. Galba (car c’est un fait que l’histoire a conservé) n’a-t-il pas été soustrait par le peuple à la poursuite acharnée de votre illustre bisaïeul, M. Caton ? Toujours, dans cette république, la trop grande puissance des accusateurs a trouvé un contrepoids dans l’opposition de tout le peuple et la sage prévoyance des juges. Je ne veux pas qu’un accusateur apporte en justice trop de pouvoir et d’influence, trop d’autorité ou de crédit. Employez ces précieux avantages à sauver l’innocence, à protéger la faiblesse, à secourir l’infortune, mais jamais à poursuivre, à perdre un citoyen. Et ne dites pas qu’en se présentant ici comme accusateur, Caton a jugé la cause : ce serait, juges, établir un principe injuste et aggraver encore le danger de ceux qu’on accuse, que de considérer l’opinion de leur accusateur comme un préjugé contre eux.
XXIX. Pour moi, Caton, la singulière estime que je professe pour vos vertus ne me permet pas d’oser blâmer votre conduite. Mais peut-être pourrais-je y trouver quelques légers motifs de reproche. « Vous commettez rarement des fautes, » dit un sage vieillard à l’illustre guerrier, son élève ; « mais quand la chose arrive, je puis vous reprendre. » Pour vous, Caton, je puis dire en toute vérité que vous ne tombez jamais en faute, et que vous avez plus besoin d’être un peu fléchi que d’être redressé. La nature, en effet, semble vous avoir créé pour l’honneur, la gravité, la tempérance, la magnanimité, la justice, en un mot pour toutes les vertus qui font un grand homme. À ces dons précieux vous joignez des principes où l’on aimerait à voir plus de modération et de douceur, et dont la sévérité et la rudesse dépassent les limites marquées par la nature et par la vérité. Et puisque je ne parle point ici devant une multitude privée de lumières et d’instruction, je m’expliquerai avec franchise sur une partie des connaissances humaines que vous cultivez et que vous aimez comme moi.
Apprenez, Romains, que toutes les qualités excellentes et divines que nous admirons dans Caton lui appartiennent en propre ; ses légères imperfections ne lui viennent pas de la nature, mais du maître qu’il a choisi. Il y eut autrefois un homme d’un grand génie, Zénon, dont les sec-