Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/640

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ches pour y parvenir et mon travail du barreau détournaient toutes mes pensées de cette affaire. Qui donc était admis à vos conseils ? Tous ceux que vous voyez aujourd’hui s’intéresser à Sylla, et surtout Hortensius, que son rang, sa dignité, son vif amour pour la république, son amitié, son affection pour votre père, alarmaient sur les périls de l’État et sur ceux d’un ami en particulier ; aussi, pour la première conjuration, mon client a-t-il été défendu par celui qui en connaissait tous les détails, qui avait assisté à vos conseils, qui partageait vos projets et vos craintes. Et quoique sa défense fût un chef-d’œuvre d’éloquence abondante et ornée, elle était forte par son autorité non moins que par son talent. Je n’ai donc pu être témoin de cette première conjuration que l’on dit avoir été formée contre vous, signalée à votre connaissance ; dévoilée par vous, je n’en ai rien appris ; à peine même un bruit confus de vos soupçons est-il parvenu jusqu’à moi. Ceux qui en furent instruits avec vous, qui étaient admis à vos conseils, que l’on croyait menacés eux-mêmes du danger, qui n’ont pas sollicité pour Autronius, qui l’ont même chargé de leur témoignage ; ceux-là défendent Sylla, s’intéressent en sa faveur, et, dans le péril où ils le voient déclarent qu’ils n’ont pas sollicité pour les autres, non parce qu’ils étaient accusés de conjuration, mais parce qu’ils étaient criminels.

Je défendrai donc Sylla pour le temps où j’étais consul, et sur le chef de la grande conjuration. Ce partage, Romains, entre Hortensius et moi ne s’est pas fait au hasard et sans motif ; mais comme on nous prenait pour défenseurs d’une cause où nous pouvions être témoins, chacun de nous a cru devoir se charger de la partie dont il était instruit à fond, sur laquelle il pouvait avoir une opinion par lui-même.

V. Et puisque sur les griefs de la première conjuration vous avez écouté attentivement Hortensius ; sur le fait de la seconde, formée pendant mon consulat, écoutez d’abord ma déclaration.

Lorsque j’étais consul, j’ai reçu de nombreux rapports sur les dangers extrêmes de la république, j’ai fait bien des enquêtes, j’ai découvert bien des secrets ; mais il ne m’est venu contre Sylla aucune délation, aucun indice, aucune lettre, aucun soupçon. Ces paroles, je crois, devraient être d’un grand poids dans la bouche d’un homme qui, étant consul, a su pénétrer les complots tramés contre la république, les a révélés avec droiture, les a punis avec vigueur ; vous devez l’en croire, quand il déclare aujourd’hui n’avoir rien appris, rien soupçonné sur P. Sylla. Mais ce n’est pas encore pour le défendre que je parle ainsi, c’est plutôt pour me justifier moi-même, pour que Torquatus cesse de s’étonner qu’ayant été contraire à Autronius, je défende Sylla. En effet, quelle a été la cause d’Autronius ? quelle est celle de Sylla ? L’un, accusé de brigue, avait voulu troubler et empêcher le jugement, d’abord par un rassemblement de gladiateurs et d’esclaves fugitifs ; ensuite, nous l’avons vu tous, par une émeute, et par une grêle de pierres lancées contre les juges. Sylla, dans le cas où sa modestie et son nom le défendraient mal, ne voulait point d’autre secours. Les démarches, les paroles d’Autronius après sa condamnation,