Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/689

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où la place publique est remplie de tribunaux, de magistrats, d’hommes vertueux et de citoyens honnêtes, où le sénat, pour ainsi dire, observe attentivement la tribune, pour réprimer ses fougues et la contenir dans le devoir, quel tumulte néanmoins, quelles agitations ne voyez-vous pas dans les assemblées ? Qu’arrive-t-il, croyez-vous, à Tralles ? N’arrive-t-il pas la même chose qu’à Pergame ? Ces villes voudront peut-être nous faire croire qu’elles ont pu être plus facilement déterminées, par une seule lettre de Mithridate, à briser les liens qui les unissent au peuple romain, à trahir leur foi, à violer toutes les lois du devoir et de l’humanité, qu’excités par un discours à rendre témoignage contre le fils d’un homme qu’elles avaient résolu d’éloigner de leurs murs à force ouverte. Ainsi, ne m’objectez plus tous ces noms de villes distinguées : la famille de Flaccus ne redoutera pas les dépositions de ceux dont elle a méprisé les armes. Et vous qui déposez contre lui, vous êtes forcés de convenir que, si vos villes sont gouvernées par les conseils des premiers citoyens, ce n’est point par le caprice de la multitude, mais sur l’avis de leurs principaux habitants qu’elles ont déclaré la guerre à notre empire. Mais si les mouvements d’alors ont été excités par la fougue d’une populace ignorante, souffrez que je ne confonde pas avec la cause publique les fautes de la multitude.

XXV. Mais, dites-vous, Flaccus ne pouvait prendre cet argent. Le père de Flaccus le pouvait-il prendre ou non ? S’il en avait le pouvoir, comme il l’avait sans doute, son fils pouvait enlever un argent fourni pour honorer son père ; il pouvait l’enlever à ceux auxquels il ne prenait rien. S’il ne l’avait pas, son fils, et même tout autre héritier, était toujours en droit d’enlever la somme après sa mort. Pour les Tralliens, quoique pendant plusieurs années ils l’eussent fait valoir à de gros intérêts, ils ont néanmoins obtenu de Flaccus tout ce qu’ils ont voulu, et ils n’ont point manqué de pudeur au point d’oser dire, ce qu’a dit Lélius, que le roi Mithridate leur avait enlevé cet argent. Qui, en effet, ignore que Mithridate s’est montré plus jaloux d’enrichir les Tralliens que de les dépouiller ? Si je donnais à cet article les développements qu’il mérite, j’élèverais la voix, Romains, je montrerais avec plus de force que je n’ai fait jusqu’à présent, quelle créance vous devriez donner à des témoins d’Asie. Je rappellerais à votre souvenir ces temps désastreux de la guerre de Mithridate, où le même jour, le même instant vit l’horrible massacre de tous les citoyens romains répandus dans un si grand nombre de villes, nos préteurs livrés à l’ennemi, nos lieutenants précipités dans les fers, la mémoire du nom romain, avec les traces de notre empire, effacée de toutes les maisons des Grecs, et même de leurs archives. Dieu, père, sauveur de l’Asie, Évius, Nysius, Bacchus, Liber ; tels étaient les noms qu’ils donnaient à Mithridate. Dans le même temps que l’Asie fermait ses portes au consul Flaccus, elle recevait et même appelait dans ses villes le barbare de Cappadoce. S’il ne nous est pas possible d’oublier ces tristes événements, que du moins il nous soit permis de les taire ; qu’il me soit permis de me plaindre de la légèreté des Grecs plutôt que de leur cruauté. Auront-ils, ces Grecs, quelque créance auprès de ceux dont ils ont voulu la destruction ? Oui, tous ceux d’entre nous qu’ils