Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/712

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jour où vous aviez, en termes formels et suffisamment motivés, déclaré que la république avait été sauvée par mes soins, le même consul donna ordre que, le lendemain, les principaux sénateurs répétassent les mêmes paroles dans une assemblée du peuple : il y plaida lui-même ma cause avec une rare éloquence, et il fit en sorte, aux yeux de toute l’Italie qui l’écoutait, qu’on n’entendît, de la part d’aucun magistrat gagé ou pervers, aucune parole dure et offensante pour les citoyens vertueux.

XI. À tous ces moyens de salut, à tous ces honneurs, c’est vous qui joignîtes encore la défense de s’opposer à mon retour sous aucun prétexte ; vous déclarâtes que vous seriez mécontents de celui qui s’y opposerait ; que vous verriez en lui l’ennemi de Rome, des bons citoyens, de la concorde publique, et qu’on vous en ferait aussitôt le rapport ; vous ordonnâtes que je reviendrais, dussent mes ennemis chercher encore des obstacles. Que dis-je ? ne décidâtes-vous pas encore qu’on remercierait ceux qui étaient venus des villes municipales, qu’on les prierait de se rendre à Rome avec le même empressement, le jour où l’on reprendrait la délibération ? Et ce jour enfin, qui, grâce à Lentulus, fut pour moi, pour mon frère, pour mes enfants, un jour de fête, et qui le sera, non seulement durant le cours de notre âge, mais encore dans tous les siècles à venir ; ce jour où, pour me rendre à ma patrie, il convoqua l’assemblée par centuries, cette assemblée la plus nombreuse et la plus solennelle qu’aient instituée nos ancêtres, afin que les mêmes centuries qui m’avaient fait consul approuvassent les actions de mon consulat ; ce jour où aucun citoyen, quel que fût son âge ou sa santé, ne se dispensa de donner son suffrage pour mon rétablissement : vîtes-vous jamais une aussi grande multitude dans le Champ de Mars, une aussi brillante assemblée de toute l’Italie et de tous les ordres, des hommes d’une aussi grande distinction, chargés de distribuer, de recueillir et de compter les marques des suffrages ? Aussi, par cet immortel bienfait de P. Lentulus, ai-je moins été rappelé dans ma patrie comme quelques citoyens illustres, que ramené sur un char de triomphe.

Puis je me montrer assez reconnaissant envers Pompée ? Ce grand homme a déclaré, non seulement devant vous qui partagiez ses sentiments, mais encore devant toute la multitude du peuple romain, que j’avais sauvé la république, et que le salut de tous était attaché au mien ; il a recommandé ma cause aux citoyens éclairés, instruit ceux qui ne l’étaient pas, réprimé par son autorité les méchants, en même temps qu’il excitait les bons : il ne s’est pas contenté d’exhorter le peuple romain, il l’a supplié pour moi comme pour un frère ou pour un père ; obligé de se renfermer dans sa maison, par la crainte d’en venir aux armes et de répandre le sang, il a prié les derniers tribuns de proposer au sénat et au peuple une loi pour mon rappel ; dans une colonie nouvellement établie, où il était souverain magistrat, où il n’avait point à craindre une opposition mercenaire, il a fait décider que la loi dirigée contre moi était l’ouvrage de la cruauté et de la violence ; il l’a fait décider par les principaux habitants, et consigner dans les registres publics ; enfin, le premier de tous, il a cru devoir implorer pour mon rappel le secours de l’Italie entière ; et, non content d’avoir toujours été mon ami le plus fidèle, il s’est employé de toutes ses forces à me concilier l’affection de ses amis.

XII. Comment reconnaîtrai-je jamais les bien-