Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/713

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faits de Milon ? Toutes ses actions, toutes ses démarches, toutes ses pensées, n’ont eu pour but que mon rétablissement ; il s’en est occupé dans tout son tribunat avec une fermeté inébranlable, avec un courage invincible. Est-il besoin de citer P. Sextius ? l’affliction qu’il a ressentie, les blessures dont il est couvert, témoignent assez de son attachement pour moi.

Je vous ai fait, pères conscrits, et je vous ferai encore des remercîments à chacun : je vous en ai fait à tous en commençant, autant que je l’ai pu, et non pas avec toute l’éloquence qu’il aurait fallu. Plusieurs, sans doute, m’ont rendu des services essentiels que je ne puis taire ; mais les circonstances et mes scrupules ne me permettent pas de détailler tout ce dont je suis redevable à chacun de mes bienfaiteurs : il serait difficile de n’en pas oublier quelqu’un, et ce serait un crime d’en omettre un seul. Je dois, pères conscrits, vous honorer tous à l’égal des immortels. Mais, vous le savez, nos prières et nos vœux ne s’adressent pas toujours aux mêmes divinités, et chacune tour à tour peut les recevoir : ainsi, résolu de consacrer toute ma vie à publier les bienfaits de ces hommes qui se sont montrés pour moi des divinités protectrices, j’ai cru devoir aujourd’hui remercier nommément d’abord les magistrats, et, parmi les particuliers, celui-là seul, qui, pour mon rappel, a parcouru les villes de l’Italie, supplié le peuple romain, et proposé l’avis que vous avez adopté et par lequel vous m’avez rétabli. Oui, vous me comblâtes toujours de distinctions dans les jours de ma prospérité ; et dans ceux où l’on me persécuta, vous me défendîtes, autant qu’il était en vous, par votre tristesse et vos habits de deuil. Les sénateurs, jusqu’ici, ne prenaient pas d’habits de deuil, même dans leurs propres disgrâces ; le sénat en a pris dans les miennes, et les a gardés tant que le lui ont permis les édits de ces hommes qui ont privé mon malheur, non seulement de leur secours, mais de vos sollicitations.

XIII. Alors, voyant que, simple particulier, j’aurais à combattre contre cette même armée que j’avais vaincue quand j’étais consul, non par les armes, mais par vos décrets, j’hésitai longtemps.

Un consul avait dit dans l’assemblée du peuple, qu’il ferait expier la rue du Capitole aux chevaliers romains ; les uns étaient personnellement menacés, les autres cités en justice, d’autres bannis. On avait fermé l’entrée des temples, et en postant des soldats, et en faisant enlever les degrés. L’autre consul, qui s’était engagé à nous abandonner, la république et moi, que dis-je ? à nous livrer aux ennemis de l’État, ne voyait que le honteux salaire promis à sa trahison. Aux portes de Rome était un général avec un commandement pour plusieurs années, et une armée formidable. Je sais qu’il a gardé le silence quand on le disait mon ennemi, quoique je ne prétende pas qu’il le fût. Il y avait, disait-on, deux partis dans la république : les uns cherchaient à me perdre par inimitié ; les autres, par crainte des massacres, me défendaient faiblement. Ceux qui semblaient travailler à me perdre augmentaient encore cette crainte, en ne désavouant pas ce qu’on disait d’eux. Voyant donc que le sénat manquait