Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/721

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que tous les bons citoyens avaient résolu de périr pour moi ou avec moi, je ne voulus point recourir aux armes pour me sauver, dans la persuasion où j’étais que la victoire ou la défaite serait également fatale à la patrie. Mes ennemis au contraire, lorsqu’au mois de janvier la question de mon rappel était traitée devant vous, mes ennemis, affamés de meurtres et de carnage, pensèrent qu’il fallait, par des monceaux de cadavres et par un fleuve de sang, fermer tout passage à mon retour.

VI. Pendant mon absence, la république n’avait pas moins que moi besoin d’être rétablie. Le sénat était sans pouvoir ; l’impunité régnait pour tous les crimes ; les tribunaux n’existaient plus ; la force et le fer dominaient dans le forum ; les citoyens ne trouvaient qu’à l’abri de leurs murs une sûreté que les lois ne leur garantissaient plus ; sous vos yeux, les tribuns du peuple étaient couverts de blessures ; des brigands, le fer et la torche à la main, attaquaient les maisons des magistrats ; on brisait les faisceaux des consuls ; on livrait aux flammes les temples des dieux : je jugeai que la république n’était plus. Je ne crus pas que ma place pût être dans Rome, quand la république en avait été bannie ; et je ne doutai pas que, si elle était rétablie, elle ne m’y ramenât avec elle. Dans la certitude où j’étais que l’année suivante elle aurait pour consul P. Lentulus, qui fut édile pendant les orages de mon consulat, et qui s’associa toujours à mes conseils et à mes dangers, pouvais-je douter que sa main consulaire ne guérît les maux que les consuls m’avaient faits ? Il embrassa le premier ma défense : son collègue, après quelque hésitation, se joignit à lui ; presque tous les autres magistrats le suivirent. Je dois surtout rendre hommage au noble caractère, au courage, à la générosité de Milon et de Sextius ; leur bienveillance et leur zèle éclatèrent d’une manière admirable. Sur la proposition de Lentulus, comme aussi d’après le rapport de son collègue, tous les sénateurs, à la réserve d’un seul, et sans l’opposition d’aucun tribun, donnèrent à ma conduite les éloges les plus honorables, et recommandèrent mon salut à vous, aux municipes et aux colonies.

Ainsi les consuls, les préteurs, les tribuns, le sénat, l’Italie entière, me tenant lieu de parents et d’alliés, n’ont point cessé de solliciter pour moi ; en un mot, tous ceux que vous aviez comblés de vos plus grands bienfaits, produits devant vous par le même Lentulus, non seulement parlèrent en ma faveur, mais se firent un devoir de rapporter, d’attester et de célébrer tout ce que j’avais fait pour la patrie.

VII. À la tête de mes nobles défenseurs était Pompée, le premier des hommes de ce siècle et même de tous les siècles passés et futurs, par la vertu, la sagesse et la gloire. Je dois à sa généreuse amitié les mêmes biens qu’il a donnés à toute la république, la vie, le repos et l’honneur. Il vous rappela, dans la première partie de son discours, que la patrie avait été sauvée par mes conseils, et que ma cause était inséparablement liée au salut publie. Il vous exhorta ensuite à défendre le décret du sénat, la tranquillité de Rome, et la fortune d’un citoyen qui avait bien mérité de la patrie. Il fit voir que mon retour était réclamé par les sollicitations du sénat, par celles des chevaliers, par celles de toute l’Italie. Il ter-