Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/722

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mina par vous adresser non seulement ses propres prières, mais encore les instances les plus pressantes.

Romains, je lui dois tout ce qu’il est possible qu’un homme doive à son semblable. Guidés par ses conseils, et vous conformant aux avis de Lentulus et au décret du sénat, vous m’avez replacé au rang où les suffrages de ces mêmes centuries m’avaient autrefois élevé. Dans le même temps vous avez entendu les hommes les plus imposants, les chefs de l’État, tous les anciens consuls, tous les anciens préteurs attester à cette même tribune que la république a été sauvée par moi seul. Lorsque Servilius, respectable par son caractère autant que par ses dignités, eut dit que, si la liberté avait été transmise pure et entière aux magistrats qui me succédaient, on le devait à mes soins, tous les autres le répétèrent dans les mêmes termes. Vous avez entendu non seulement l’opinion, mais aussi le témoignage précis et authentique de Gellius, qui, présent au danger qu’avait couru la flotte, lorsque les conjurés essayèrent de la corrompre, vous a déclaré que, si dans cette circonstance je n’avais pas été consul, la république aurait été anéantie.

VIII. Maintenant que tant de témoignages honorables, que le vœu du sénat, l’accord unanime de l’Italie, l’ardeur et le zèle de tous les hommes vertueux, l’activité de Lentulus, le concours des autres magistrats, les instances de Pompée, la faveur de tous les hommes et l’approbation des dieux immortels, qui sanctionnent mon retour par cette heureuse abondance des vivres tout à coup redescendus aux prix le plus bas, m’ont rendu à moi, à ma famille, à la république ; ma reconnaissance vous promet tout ce qu’il me sera possible de faire. Ce respect et ce dévouement dont les hommes les plus religieux sont pénétrés pour les dieux immortels, je les conserverai éternellement pour le peuple romain. Oui, Romains, vous serez toujours pour moi des dieux inviolables et sacrés ; et puisque la république m’a elle-même ramené dans Rome, la république me trouvera partout.

Si l’on pense que ma volonté soit changée, ma vertu affaiblie, mon courage épuisé, on se trompe. Tout ce que la violence, tout ce que l’injustice et la fureur des scélérats ont pu m’arracher, m’a été enlevé, a été pillé, a été dissipé : ce qu’on ne peut ravir à une âme forte m’est resté, et me restera toujours. J’ai vu le grand Marius, mon compatriote, et, par je ne sais quelle fatalité, réduit comme moi à lutter non seulement contre les factieux qui voulaient tout détruire, mais aussi contre la fortune ; je l’ai vu, dans un âge très avancé, loin de succomber sous le poids du malheur, se roidir et s’armer d’un nouveau courage.

Je l’ai moi-même entendu quand il disait à la tribune qu’il avait été malheureux, lorsqu’il était privé d’une patrie que son bras avait sauvée de la fureur des barbares ; lorsqu’il apprenait que ses biens étaient possédés et pillés par ses ennemis ; lorsqu’il voyait la jeunesse de son fils associée à ses infortunes ; lorsque, plongé dans un marais, il avait dû la conservation de sa vie à la pitié des Minturniens ; lorsque, fuyant en Afrique sur une frêle nacelle, il était allé, pauvre et